En 2008, l’essayiste Naomi Klein publiait la Stratégie du choc,
démonstration limpide sur l’instrumentalisation des crises et désastres par les
ultralibéraux pour piétiner les aspirations de justice sociale au profit de la
loi du marché et la barbarie de la spéculation. La crise du Covid-19, et sa
nature mondiale, s’avère une aubaine pour tenter d’imposer de nouvelles
régressions, aussi bien à l’échelle des politiques nationales qu’à celle de
l’entreprise, toujours au nom du « sauvetage de l’économie et de l’emploi ».
En France, les patrons et les conseils d’administration des entreprises
disposent depuis 2017, grâce aux ordonnances Macron, d’une arme inédite : les « accords
de performance collective », vernis légal d’un véritable chantage à l’emploi.
Le principe ? En échange d’une baisse de rémunération ou d’une réorganisation
du temps de travail, les entreprises peuvent s’engager à sauvegarder une partie
des emplois. Une fois l’accord acté, si le salarié refuse, c’est le
licenciement pour cause « réelle et sérieuse ». Ce type de politique économique
n’a jamais permis de relancer une économie fragilisée, juste de garantir à
court terme la rentabilité du capital. Le but de ce chantage à l’emploi :
faire baisser la rémunération du travail en s’en prenant directement au
salaire.
Ce dispositif a également un objectif
politique : celui de congeler durablement les revendications des salariés au
nom d’une guerre sanitaire mais aussi économique contre le Covid. Une guerre à
gagner « quoi qu’il en coûte », surtout aux salariés. Enfin un
objectif idéologique : avec cette crise sanitaire inédite, le spectre de la fin
du monde promise par les collapsologues de tout poil a été remis au goût du
jour. Un scénario démissionnaire et dépolitisant qui sert avant tout de
justification à l’absence de changement de cap, puisqu’il s’agirait avant tout
de survivre. Rendre « plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin
du capitalisme », pour reprendre la formule de Fredric Jameson, c’est
rendre acceptable l’idée que « baisser les salaires pourrait sauver les
emplois » et pérenniser les imaginaires capitalistes au-delà de la
crise.
Par Stéphane Sahuc
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