vendredi 28 août 2020

« LA MALADIE, L’ÉDITORIAL DE BRUNO ODENT DANS L’HUMANITÉ DE CE JOUR !




Un terrible seuil a été franchi aux États-Unis avec les événements de Kenosha, où Jacob Blake, un jeune père de famille africain-américain, est venu ajouter son nom à la longue et sinistre liste des victimes de violences policières. Après avoir reçu sept balles dans le dos, il risque de rester paralysé à vie. Le forfait a déclenché une explosion de colère qui a pris parfois la dimension d’émeutes, comme à Minneapolis après la mort de George Floyd, il y a seulement trois mois. Pour toute réponse, on a assisté au déploiement de miliciens d’extrême droite dans les rues. Une jeune tête brûlée arme au poing, mais forte d’une « tolérance » avérée de la police, a pu faire un carton sur deux des « protestataires »…

Ces stigmates révèlent la gravité autant que la profondeur du mal qui mine toute une société. Le climat qu’a laissé se répandre Donald Trump, candidat à un nouveau mandat le 3 novembre et adoubé par une convention républicaine qui se réunissait au même moment, a naturellement exacerbé cette déliquescence politique. Le président, si sensible aux sirènes des suprématistes blancs, a versé consciencieusement de l’huile sur le feu, espérant que l’exacerbation des haines communautaires créerait une telle polarisation parmi les électeurs qu’il aurait ses chances, en dépit de son bilan calamiteux sur les plans économique et sanitaire, d’apparaître comme l’homme providentiel, seul capable de rétablir la loi et l’ordre.

Mais l’affection qui ronge la démocratie et la paix civile est si profonde, si ancrée qu’un diagnostic obnubilé par les seules funestes préoccupations tactiques du locataire de la Maison-Blanche paraît bien court. Le mouvement Black Lives Matter (les vies des Noirs comptent) ne cesse, à juste titre, de pointer la dimension « systémique » de « bavures » qui n’ont pas attendu l’avènement du président nationaliste pour proliférer. Les résistants de l’aile gauche du Parti démocrate ont raison. C’est tout un système dominé toujours davantage par Wall Street et la finance qui a fait exploser les inégalités, creusé les fractures, sociales avant que d’être « raciales », élever les murs des ghettos et torpiller le « vivre-ensemble. »

Par Bruno Odent


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