Chacune de leur côté, Marlène Schiappa et
Marion Maréchal ont fustigé, mercredi soir, la « culture de l’excuse ». Quand
le gouvernement emprunte les termes de l’extrême droite, c’est cette dernière
qui en tire profit.
Une aubaine pour l’extrême droite. Depuis le remaniement du 6 juillet,
le gouvernement de Jean Castex a décidé d’appuyer fort sur le sécuritaire et de
jouer la carte identitaire, en attestent notamment l’hyperactivité et les
débordements du ministre de l’Intérieur, ou encore la future loi sur le
« séparatisme », prévue pour les prochaines semaines. Sur ces questions, la
Macronie pénètre dangereusement sur le terrain du Rassemblement national, en
empruntant son vocabulaire, d’abord. Exemple le plus marquant : le
24 juillet, dans le Figaro, Gérald Darmanin appelait
à « stopper l’ensauvagement d’une partie de la société ». Le
ministre légitime ainsi un terme clairement connoté à l’extrême droite.
Celle-ci peut donc désormais le théoriser en toute impunité, comme l’a démontré
Marion Maréchal, interrogée par Azur TV, mercredi : « Une fois de plus,
je vais choquer les belles âmes. Cet ensauvagement de la société est le
résultat de trois phénomènes : l’immigration, la culture de l’excuse et
l’effondrement de la chaîne pénale », a-t-elle osé.
Mercredi, quelques minutes avant cette interview de Marion Maréchal, l’Express publiait
sur son site un entretien de Marlène Schiappa dans lequel la ministre déléguée
à la Citoyenneté déclarait : « Il existe maintenant une gauche
identitaire qui porte une culture de l’excuse en fonction de l’identité face
aux atteintes à la citoyenneté, à la délinquance, aux crimes. » C’est
l’ex-premier ministre Manuel Valls qui résume le mieux le sens de cette
critique, utilisée depuis plusieurs années par la droite et surtout par
l’extrême droite et les réseaux les plus conservateurs. « Expliquer,
c’est déjà vouloir un peu excuser », prétendait-il en 2016.
Le gouvernement, par son discours réactionnaire, repousse les limites de ce
qu’il est acceptable de dire ou non. Ainsi, des mots comme ensauvagement,
malgré leurs relents racistes, se banalisent. Tout comme les positions du RN,
alors que son discours haineux envers les banlieues ou les immigrés est
légitimé au plus haut sommet de l’État – « Le droit d’asile ne donne
pas le droit à foutre le bordel ! » déclarait encore Gérald Darmanin,
le 16 août. « Marion Maréchal-Le Pen a elle-même
conceptualisé l’idée de combat culturel, elle le dit clairement. C’est-à-dire
l’idée qu’il faut d’abord influencer l’opinion publique avant de pouvoir gagner
des élections, rendre des propos naguère jugés choquants aujourd’hui
raisonnables », expliquait Clément Viktorovitch, professeur de
rhétorique, en novembre 2019 dans l’émission Clique. La nièce
de Marine Le Pen n’imaginait certainement pas que leur adversaire, Emmanuel
Macron, les aiderait autant dans cette entreprise.
En faisant cela, le président de la
République veut draguer les électeurs de droite, orphelins d’un parti, LR, aux
abois, en allant sur ses thèmes historiques. « Or, si le ministre de
l’Intérieur insiste sur le sécuritaire, le gouvernement ne présente pas de
résultats satisfaisants, selon les électeurs de droite ou d’extrême-droite,
concernant la délinquance, les incivilités », observe le politologue
Jérôme Sainte-Marie. Une forme d’impunité lui est même systématiquement
reprochée, par les médias conservateurs notamment, Valeurs actuelles en
tête. À ce petit jeu, Emmanuel Macron prend un risque considérable : s’il
espère remettre en selle son duel avec Marine Le Pen, focaliser le débat sur
ces thèmes identitaires pourrait finir par profiter à son adversaire.
Florent Le Du
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