vendredi 28 août 2020

GOUVERNEMENT. QUAND L’EXÉCUTIF FAIT PLACE À L’EXTRÊME DROITE




Chacune de leur côté, Marlène Schiappa et Marion Maréchal ont fustigé, mercredi soir, la « culture de l’excuse ». Quand le gouvernement emprunte les termes de l’extrême droite, c’est cette dernière qui en tire profit.

Une aubaine pour l’extrême droite. Depuis le remaniement du 6 juillet, le gouvernement de Jean Castex a décidé d’appuyer fort sur le sécuritaire et de jouer la carte identitaire, en attestent notamment l’hyperactivité et les débordements du ministre de l’Intérieur, ou encore la future loi sur le « séparatisme », prévue pour les prochaines semaines. Sur ces questions, la Macronie pénètre dangereusement sur le terrain du Rassemblement national, en empruntant son vocabulaire, d’abord. Exemple le plus marquant : le 24 juillet, dans le Figaro, Gérald Darmanin appelait à « stopper l’ensauvagement d’une partie de la société ». Le ministre légitime ainsi un terme clairement connoté à l’extrême droite. Celle-ci peut donc désormais le théoriser en toute impunité, comme l’a démontré Marion Maréchal, interrogée par Azur TV, mercredi : « Une fois de plus, je vais choquer les belles âmes. Cet ensauvagement de la société est le résultat de trois phénomènes : l’immigration, la culture de l’excuse et l’effondrement de la chaîne pénale », a-t-elle osé.

Mercredi, quelques minutes avant cette interview de Marion Maréchal, l’Express publiait sur son site un entretien de Marlène Schiappa dans lequel la ministre déléguée à la Citoyenneté déclarait : « Il existe maintenant une gauche identitaire qui porte une culture de l’excuse en fonction de l’identité face aux atteintes à la citoyenneté, à la délinquance, aux crimes. » C’est l’ex-premier ministre Manuel Valls qui résume le mieux le sens de cette critique, utilisée depuis plusieurs années par la droite et surtout par l’extrême droite et les réseaux les plus conservateurs. « Expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser », prétendait-il en 2016.

Le gouvernement, par son discours réactionnaire, repousse les limites de ce qu’il est acceptable de dire ou non. Ainsi, des mots comme ensauvagement, malgré leurs relents racistes, se banalisent. Tout comme les positions du RN, alors que son discours haineux envers les banlieues ou les immigrés est légitimé au plus haut sommet de l’État – « Le droit d’asile ne donne pas le droit à foutre le bordel  ! » déclarait encore Gérald Darmanin, le 16 août. « Marion Maréchal-Le Pen a elle-même conceptualisé l’idée de combat culturel, elle le dit clairement. C’est-à-dire l’idée qu’il faut d’abord influencer l’opinion publique avant de pouvoir gagner des élections, rendre des propos naguère jugés choquants aujourd’hui raisonnables », expliquait Clément Viktorovitch, professeur de rhétorique, en novembre 2019 dans l’émission Clique. La nièce de Marine Le Pen n’imaginait certainement pas que leur adversaire, Emmanuel Macron, les aiderait autant dans cette entreprise.

En faisant cela, le président de la République veut draguer les électeurs de droite, orphelins d’un parti, LR, aux abois, en allant sur ses thèmes historiques. « Or, si le ministre de l’Intérieur insiste sur le sécuritaire, le gouvernement ne présente pas de résultats satisfaisants, selon les électeurs de droite ou d’extrême-droite, concernant la délinquance, les incivilités », observe le politologue Jérôme Sainte-Marie. Une forme d’impunité lui est même systématiquement reprochée, par les médias conservateurs notamment, Valeurs actuelles en tête. À ce petit jeu, Emmanuel Macron prend un risque considérable : s’il espère remettre en selle son duel avec Marine Le Pen, focaliser le débat sur ces thèmes identitaires pourrait finir par profiter à son adversaire.
Florent Le Du


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