Maire « Les Républicains » de
Prades (Occitanie) et « Monsieur Déconfinement » pendant la crise
sanitaire, Jean Castex est, à 55 ans, chargé d’incarner le
« renouveau » du quinquennat Macron. Sa nomination acte, au contraire,
que la deuxième partie du quinquennat ressemblera beaucoup à la première.
Exit le maire (ex-LR) du Havre, bonjour le maire (LR) de Prades. Jean
Castex, auparavant délégué interministériel chargé de la stratégie de sortie du
confinement (le fameux « Monsieur Déconfinement » à l’accent du sud-ouest),
succède à Edouard Philippe au poste de premier ministre.
La nouvelle équipe gouvernementale au complet devrait être connue avant le
conseil des ministres de mercredi. Ce remaniement attendu s’inscrit dans un
calendrier fixé depuis des semaines par Emmanuel Macron, devant les Français,
puisqu’il affirme vouloir donner une nouvelle impulsion à ses deux dernières
années comme chef de l’Etat.
Sciences Po Paris, énarque, haut fonctionnaire et vieux routard des
cabinets ministériels, inconnu du grand public jusqu’à il y a quelques mois,
Jean Castex a pourtant un profil beaucoup plus technocratique que politique,
alors que les noms de Florence Parly, Jean-Louis Borloo, Jean-Yves Le Drian ou
encore Bruno Le Maire avaient circulé. Sa maîtrise des dossiers et des
ministères et son carnet d’adresses fourni à force d’arpenter les lieux de
pouvoir ont pesé dans la balance. Nommé en avril pour gérer le déconfinement,
Jean Castex avait pris une importance considérable dans l’organigramme
gouvernemental, au point que certains le surnommaient le « vice-premier
ministre ».
Le nouveau chef de gouvernement a de plus de quoi plaire à l’électorat de
la Macronie : ancien secrétaire général adjoint de la présidence sous Nicolas
Sarkozy, il avait soutenu François Fillon en 2012 lorsque celui-ci voulait
prendre la tête de l’UMP. A droite dans ses bottes, donc, mais
Macron-compatible. En 2017, il est nommé délégué interministériel en vue de
l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Et, en 2018, son
nom avait circulé une première fois pour remplacer Gérard Collomb,
démissionnaire, au ministère de l’intérieur.
Edile d’une petite commune d’Occitanie, le Gersois incarne aussi « les
élus locaux » - son grand-père, Marc Castex, était lui-même sénateur
du Gers et maire du village de Vic-Fezensac. Une carte que l’exécutif devrait
jouer au moment de lancer le chantier de « l’acte de décentralisation » voulu
par Emmanuel Macron. La Macronie cherche à se départir de l’image « hyper-centralisée »
et très parisienne qui lui colle à la peau.
Pour ce qui est en revanche de « dessiner un nouveau chemin »,
selon l’expression lunaire d’Emmanuel Macron, et d’incarner un virage
écologique et social pour « le monde d’après », on
repassera. « Quoi de mieux qu’un maire de droite pour remplacer un
maire de droite ? », a ironisé sur Twitter l’eurodéputée insoumise
Manon Aubry.
Jean Castex présente néanmoins l’avantage d’être une figure chaleureuse,
relativement consensuelle - sa nomination en tant que « Monsieur Déconfinement
» avait été bien accueillie en avril dernier, jusqu’à être saluée par le
secrétaire général de Force Ouvrière. C’est donc d’abord le choix de la
sécurité pour Emmanuel Macron, qui garde la main sur les orientations du
quinquennat et a besoin d’un fidèle soldat davantage que d’une figure politique
susceptible de lui faire de l’ombre. Edouard Philippe, devenu plus populaire
que le président dans la crise, était devenu encombrant.
Le nouveau premier ministre n’aura pas
toute latitude pour conduire l’action du gouvernement. Son cap a été défini par
le président dans une interview à la presse régionale quotidienne, parue ce
vendredi matin. Et il apparaît que le « nouveau chemin »
souhaité par Macron ressemble plutôt à une impasse, voire à un demi-tour. Tout
changer pour que rien ne change, pourrait-on traduire. « Le cap sur
lequel je me suis engagé reste vrai », persiste Emmanuel Macron. Il a
déterminé ses « chantiers », sans entrer dans le détail : la
santé, le grand âge, la jeunesse et l’égalité des chances. Mais aussi laissé la
porte à ouverte à des coups de canifs dans les 35 heures. Et confirmé que la
réforme des retraites, marqueur du tournant antisocial du mandat, était encore
dans les tuyaux. Le premier grand oral de Jean Castex est attendu au 20 heures
de TF1, ce vendredi soir. En attendant le casting complet de son gouvernement.
Cyprien Caddeo et Emilio Meslet
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