Parler de rentrée à la veille des départs en vacances ? Non, ce n’est pas
de la cruauté à l’égard des 12 millions d’élèves qui s’apprêtent à mettre
« les cahiers au feu ». Juste une nécessité. En matière scolaire, l’urgence de
penser le mois de septembre est bien là. Pour anticiper une éventuelle deuxième
vague de Covid-19. Mais surtout pour tenter de combler dès à présent les
inégalités qui se sont exacerbées durant le confinement. Défi immense. Et pour
l’instant largement sous-estimé. Le ministère de l’Éducation nationale affirme
n’avoir perdu trace que d’environ « 4 % » des élèves
pendant cette longue période. Magie des moyennes. En vérité, le décrochage
scolaire varie énormément selon les territoires et les filières. Une fois de
plus, les milieux populaires, les familles monoparentales et l’enseignement
professionnel sont concernés au premier chef. Ces publics, déjà défavorisés,
risquent de payer un lourd tribut à la crise du coronavirus et aux aléas
d’une « continuité pédagogique » forcément discriminante.
Pour l’instant, les réponses apportées par Jean-Michel Blanquer sont hors
de propos. Le ministre se démène pour rassurer, évoque du soutien scolaire
gratuit en juillet et en août, promet des batteries « d’évaluations » à
la rentrée, de « l’accompagnement personnalisé »… Formules magiques
qui relèvent autant du bricolage que de l’enfumage. On le sait : le périmètre
budgétaire ne variera pas. Les efforts de recrutement d’enseignants en primaire
se paieront par des suppressions de postes dans les collèges et lycées. Un jeu
à somme nulle dont ont parfaitement conscience les profs eux-mêmes, qui
rejettent désormais la politique de leur ministre à 94 % !
Combattre les inégalités scolaires
nécessite de toutes autres ambitions. N’en déplaise aux libéraux, les pays de
l’OCDE dépensent en moyenne par élève 11 % de plus que la France. Et même
25 % dans les pays comparables. Les taux d’encadrement y sont également
bien plus favorables. Pour atteindre ce niveau d’exigence, 90 000 postes
supplémentaires seraient nécessaires pour le seul primaire, selon les calculs
syndicaux. Ces milliards que l’État a été capable de déverser sur les banques
et les grandes entreprises ne pourraient-ils pas profiter aux élèves ? Voilà le
sujet qui devrait occuper les vacances de M. Blanquer.
Par Laurent Mouloud
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