vendredi 3 juillet 2020

« AMBITIONS », L’ÉDITORIAL DE LAURENT MOULOUD DANS L’HUMANITÉ DE CE JOUR !



Parler de rentrée à la veille des départs en vacances ? Non, ce n’est pas de la cruauté à l’égard des 12 millions d’élèves qui s’apprêtent à mettre « les cahiers au feu ». Juste une nécessité. En matière scolaire, l’urgence de penser le mois de septembre est bien là. Pour anticiper une éventuelle deuxième vague de Covid-19. Mais surtout pour tenter de combler dès à présent les inégalités qui se sont exacerbées durant le confinement. Défi immense. Et pour l’instant largement sous-estimé. Le ministère de l’Éducation nationale affirme n’avoir perdu trace que d’environ « 4 % » des élèves pendant cette longue période. Magie des moyennes. En vérité, le décrochage scolaire varie énormément selon les territoires et les filières. Une fois de plus, les milieux populaires, les familles monoparentales et l’enseignement professionnel sont concernés au premier chef. Ces publics, déjà défavorisés, risquent de payer un lourd tribut à la crise du coronavirus et aux aléas d’une « continuité pédagogique » forcément discriminante.

Pour l’instant, les réponses apportées par Jean-Michel Blanquer sont hors de propos. Le ministre se démène pour rassurer, évoque du soutien scolaire gratuit en juillet et en août, promet des batteries « d’évaluations » à la rentrée, de « l’accompagnement personnalisé »… Formules magiques qui relèvent autant du bricolage que de l’enfumage. On le sait : le périmètre budgétaire ne variera pas. Les efforts de recrutement d’enseignants en primaire se paieront par des suppressions de postes dans les collèges et lycées. Un jeu à somme nulle dont ont parfaitement conscience les profs eux-mêmes, qui rejettent désormais la politique de leur ministre à 94 % !

Combattre les inégalités scolaires nécessite de toutes autres ambitions. N’en déplaise aux libéraux, les pays de l’OCDE dépensent en moyenne par élève 11 % de plus que la France. Et même 25 % dans les pays comparables. Les taux d’encadrement y sont également bien plus favorables. Pour atteindre ce niveau d’exigence, 90 000 postes supplémentaires seraient nécessaires pour le seul primaire, selon les calculs syndicaux. Ces milliards que l’État a été capable de déverser sur les banques et les grandes entreprises ne pourraient-ils pas profiter aux élèves ? Voilà le sujet qui devrait occuper les vacances de M. Blanquer. 

Par Laurent Mouloud

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire