Certes, grâce aux différentes lois sur la
parité, les femmes ont poussé les portes des institutions et sont aussi
nombreuses que leurs pairs à certains échelons politiques. Mais leurs missions
restent, encore et toujours, subalternes et genrées.
Rituel bis repetita. Avec la même
communication qu’il y a trois ans, l’Élysée a chuchoté à la presse son souhait
de voir « une femme » à Matignon. Avant même les nominations de Gérald Darmanin
et d’Éric Dupond-Moretti très contestées par les féministes, cette mascarade va
durer plusieurs jours.
Finalement, un homme de 55 ans, Jean
Castex, a été désigné pour mettre en œuvre la « nouvelle phase du
quinquennat ». Un choix, loin de faire figure d’exception. Édith Cresson reste
à ce jour la seule femme à avoir eu accès à une si haute fonction dans
l’histoire de la République française. Ce fut un passage éclair : moins d’un
an. C’était il y a vingt-huit ans.
Depuis, les lois successives sur la parité ont permis aux femmes de pousser
les portes des institutions. Sans pour autant accéder aux postes les plus
reconnus et influents. Certes, le cru 2020 des élections municipales a été
moins mauvais que les précédents. La parité a été atteinte dans les dix plus
grandes villes françaises. Mais ces résultats ne sauraient masquer la réalité :
ce sont bien les hommes qui continuent de tirer les ficelles du jeu politique
communal. Ils devraient occuper 80 % des fauteuils d’édiles, selon des
données provisoires. En 2014, ils représentaient 84 % des maires et
71,5 % des premiers adjoints.
C’est dire si la parité quantitative est loin d’être synonyme d’égalité
entre les femmes et les hommes. « Si l’on réduit la parité politique à une
égalité numérique, développe Réjane Sénac, directrice de recherche CNRS à
Sciences-Po (1), les lois dites sur la parité ont permis qu’il y ait
quasiment autant de femmes que d’hommes élus dans les conseils municipaux de
1 000 habitants et plus, les conseils régionaux et départementaux. Si l’on
considère la parité comme le partage non seulement des places mais aussi du
pouvoir, ces lois n’ont pas remis en cause la division horizontale et verticale
du travail politique selon des assignations genrées. Ainsi, au niveau
municipal, lors de la mandature précédente : 80 % des adjoints aux
finances étaient des hommes et 80 % des adjoints à la petite enfance ou à
la famille étaient des femmes. Il faut une redistribution du pouvoir de
décision. »
18 présidents de métropole pour 4
présidentes
Le « quatrième tour » des élections municipales a confirmé la
surreprésentation écrasante des hommes aux postes clés. Concernant les
métropoles, qui constituent les agglomérations les plus grandes en termes de
population, dix-huit hommes y occupent le fauteuil de président, contre
seulement quatre femmes. Elles étaient trois sous la mandature précédente. Le
constat n’est pas plus clément au niveau des autres intercommunalités. Le Haut
Conseil à l’égalité redoutait, dans une note parue le 18 juin, que « la
nomination des représentants des communes au conseil communautaire, puis les
élections de l’exécutif dans les établissements publics de coopération
intercommunale ne viennent confirmer cette tendance ». Ici, les règles
paritaires ne s’appliquent pas. Résultat des courses, les femmes sont presque
exclues. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : sous la dernière mandature, on
comptait 92,3 % de présidents d’intercommunalité. Les autres exécutifs
locaux ne font pas beaucoup mieux avec, par exemple, 83,3 % de présidents
à la tête des conseils régionaux.
Le Parlement n’est pas en reste. Les femmes sont les grandes absentes des
présidences de la République, que ce soit celle du Sénat ou celle de
l’Assemblée nationale. Si la part des femmes a considérablement augmenté au
Palais-Bourbon en 2017, leur arrivée massive ne s’est pas traduite par une montée
en puissance de leurs responsabilités. Occuper les postes majeurs
(vice-président, rapporteur du budget, président de groupe ou de commission…)
est toujours un privilège masculin : tous groupes confondus, le ratio est de
71 % d’hommes et 29 % des femmes, selon un premier bilan dressé par
la députée LaREM, Claire Pitollat.
Le règne de l’entre-soi
« En politique, la pire misogynie, c’est l’invisibilité des femmes, estime
Laurence Rossignol, la sénatrice PS, également ex-ministre des Familles et des
Droits des femmes. Les partis restent des lieux très masculins. » La
parlementaire a été confrontée à une forme d’entre-soi masculin, conduisant de
facto à une exclusion des femmes des échanges décisifs. « Au Sénat, en 2017,
autour du noyau du président PS Didier Guillaume, des choses se décidaient
pendant les soirées foot ou de rugby. Ils regardaient les matchs ensemble,
créant ainsi des fraternités, des réseaux. » L’élue communiste Éliane Assassi
est à ce jour la seule présidente de groupe à la Chambre haute.
(1) Autrice de « l’Égalité sous
conditions ». Rue de l’Échiquier, 2019.
Lola Ruscio
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