La vague est historique. Jamais depuis la lutte victorieuse pour la
libération de Nelson Mandela le monde ne s’était dressé avec une aussi
splendide vigueur contre la persistance des discriminations raciales. Le
sentiment de fraternité à l’égard de George Floyd et de ses proches traverse
les frontières et vogue de capitale en capitale avec la même puissance,
contribuant à souder une génération autour du combat antiraciste et contre les
violences policières.
Évidemment, les outrances et provocations du satrape Trump renforcent
l’abnégation du mouvement antiraciste. Mais Trump n’est-il pas l’un des
derniers avatars, certes puissant, d’un nationalisme teinté de suprématisme qui
mêle l’arrogance de classe aux thèses racistes et dont la France connaît, elle
aussi, la résurgence ?
La force de la réponse qui lui est opposée spontanément par les peuples
eux-mêmes marque un point de bascule. Et, les pouvoirs institués le sentent
bien. Aussi le mouvement a-t-il déjà permis d’arracher des victoires que l’on
croyait hier inatteignables. Parmi elles, le démantèlement de la police de
Minneapolis et, en France, la reconnaissance des faits ou paroles racistes à
l’intérieur de l’institution policière assortie de promesses de sanctions et
l’interdiction – enfin ! – de la prise par le cou, cette méthode
d’interpellation barbare. Mais il en faudra bien plus pour tourner la page des
contrôles au faciès, des discriminations de toutes sortes et des violences
policières, phénomènes inquiétants qui touchent de si nombreux pays.
La mue des sociétés et les ébullitions sociales trouvent en effet face à
elles des États qui usent sans discernement du « monopole de la
violence physique légitime » décrit par Max Weber. La répression
féroce du mouvement des gilets jaunes fut un révélateur de cette tendance
délétère. La police ne peut rester la gardienne de l’ordre inique qui
caractérise les sociétés contemporaines qu’au prix d’une violence que personne
ne souhaite. Le chemin est encore long pour que l’institution policière se
transforme en force de sûreté et de paix au service de sa population et ne se
comporte plus comme le bras armé actionné à échéance régulière par l’État dans
les quartiers populaires en proie aux difficultés sociales, et où sont
regroupées les populations issues de l’immigration, comme dans les cortèges de
manifestants.
Les potentialités de cette révolte
mondiale sont gigantesques. Elle proclame une soif d’égalité nécessaire à toute
visée révolutionnaire. À condition bien sûr que les classes populaires déjouent
les pièges diviseurs pour rester unies et déterminées à construire un monde
débarrassé de toutes les discriminations et dominations. C’est le racisme qu’il
faut étouffer pour permettre à la société tout entière de respirer, de
s’épanouir, de s’émanciper. La puissante manifestation qui se prépare à Paris
samedi prochain retentira de cette aspiration.
Par Patrick Le Hyaric
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