mercredi 10 juin 2020

« LES POTENTIALITÉS D’UNE RÉVOLTE », L’ÉDITORIAL DE PATRICK LE HYARIC DANS L’HUMANITÉ DE CE JOUR



La vague est historique. Jamais depuis la lutte victorieuse pour la libération de Nelson Mandela le monde ne s’était dressé avec une aussi splendide vigueur contre la persistance des discriminations raciales. Le sentiment de fraternité à l’égard de George Floyd et de ses proches traverse les frontières et vogue de capitale en capitale avec la même puissance, contribuant à souder une génération autour du combat antiraciste et contre les violences policières.

Évidemment, les outrances et provocations du satrape Trump renforcent l’abnégation du mouvement antiraciste. Mais Trump n’est-il pas l’un des derniers avatars, certes puissant, d’un nationalisme teinté de suprématisme qui mêle l’arrogance de classe aux thèses racistes et dont la France connaît, elle aussi, la résurgence ?

La force de la réponse qui lui est opposée spontanément par les peuples eux-mêmes marque un point de bascule. Et, les pouvoirs institués le sentent bien. Aussi le mouvement a-t-il déjà permis d’arracher des victoires que l’on croyait hier inatteignables. Parmi elles, le démantèlement de la police de Minneapolis et, en France, la reconnaissance des faits ou paroles racistes à l’intérieur de l’institution policière assortie de promesses de sanctions et l’interdiction – enfin ! – de la prise par le cou, cette méthode d’interpellation barbare. Mais il en faudra bien plus pour tourner la page des contrôles au faciès, des discriminations de toutes sortes et des violences policières, phénomènes inquiétants qui touchent de si nombreux pays.

La mue des sociétés et les ébullitions sociales trouvent en effet face à elles des États qui usent sans discernement du « monopole de la violence physique légitime » décrit par Max Weber. La répression féroce du mouvement des gilets jaunes fut un révélateur de cette tendance délétère. La police ne peut rester la gardienne de l’ordre inique qui caractérise les sociétés contemporaines qu’au prix d’une violence que personne ne souhaite. Le chemin est encore long pour que l’institution policière se transforme en force de sûreté et de paix au service de sa population et ne se comporte plus comme le bras armé actionné à échéance régulière par l’État dans les quartiers populaires en proie aux difficultés sociales, et où sont regroupées les populations issues de l’immigration, comme dans les cortèges de manifestants.

Les potentialités de cette révolte mondiale sont gigantesques. Elle proclame une soif d’égalité nécessaire à toute visée révolutionnaire. À condition bien sûr que les classes populaires déjouent les pièges diviseurs pour rester unies et déterminées à construire un monde débarrassé de toutes les discriminations et dominations. C’est le racisme qu’il faut étouffer pour permettre à la société tout entière de respirer, de s’épanouir, de s’émanciper. La puissante manifestation qui se prépare à Paris samedi prochain retentira de cette aspiration.

Par Patrick Le Hyaric


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