samedi 20 juin 2020

FAILLITES D'ENTREPRISES : 250 000 EMPLOIS MENACÉS EN FRANCE ?



En l’absence de volontarisme politique, les mois qui viennent pourraient voir se multiplier les dépôts de bilan. Dans une étude publiée ce vendredi, l’OFCE tente de chiffrer le cataclysme à venir et de dessiner quelques pistes pour l’éviter.
Le constat, malheureusement, ne fait plus débat : la période qui s’ouvre risque d’être fatale à de nombreuses entreprises, frappées de plein fouet par le ralentissement économique. Reste à déterminer l’ampleur du désastre… Et à réfléchir aux moyens de l’éviter. L’OFCE (organisme de prévision affilié à Science-Po) publie ce vendredi, une étude inédite, dans laquelle il ouvre le débat. L’organisme tente d’évaluer l’impact de la crise actuelle sur la solvabilité des entreprises (c’est-à-dire leur capacité à rembourser leurs dettes), à partir d’un échantillon d’un million de boites françaises, employant près de 11 millions de salariés.
Le confinement s’est traduit par une chute brutale de l’activité - environ 120 milliards de baisse de PIB en huit semaines -, et un effondrement des carnets de commandes. Toutes les analyses anticipent une très forte hausse du chômage dans les mois à venir, qui risque de saper la demande. La Banque de France estime, par exemple, que le taux de chômage pourrait atteindre 11,5% de la population active mi 2021 (contre 8% environ fin 2019), ce qui constituerait un plafond jamais atteint depuis quarante ans. L’étude de l’OFCE vise donc à mesurer l’érosion possible du tissu productif français dans ce contexte, sans négliger ses faiblesses structurelles préexistantes (fort endettement au cours des dernières années, d’où une grande dépendance aux banques à court terme, etc.).
Plus précisément, les économistes de l’OFCE font un « exercice » de simulation, pour anticiper les comportements des entreprises françaises confrontées à une baisse de la demande. Le résultat doit évidemment être pris avec prudence, comme n’importe quelle prévision économique. Mais il fait froid dans le dos. La pandémie pourrait entraîner environ 40 000 faillites supplémentaires d’ici la fin de l’année, soit plus de 90 000 au total, contre 55 000 en temps normal. Dans ce scénario, 250 000 emplois seraient menacés. L’étude démontre que toutes les entreprises seraient touchées, mais deux catégories paraissent particulièrement concernées : les microentreprises (employant moins de 10 salariés) et les grandes entreprises (employant plus de 5 000 salariés). Ces dernières pourraient se retrouver en difficultés en raison d’une croissance de l’endettement. Sans surprise, les secteurs les plus affectés sont l’hébergement, la restauration, l’information et la construction.
Que faire face à ce risque d’hémorragie ? Pour les économistes les plus libéraux, il n’y a pas lieu de paniquer : après tout, selon les bons vieux principes darwiniens, les périodes de crise sont propices à la sélection des « meilleurs ». Dans cette perspective, note l’OFCE, «  il ne faut pas limiter le nombre de faillites car c’est un processus de réduction du nombre d’entreprises inefficientes. Les faillites libèrent des ressources, comme le capital, ou des compétences pour les entreprises plus productives. De ce fait, les faillites « nettoient » le tissu productif et contribuent à la réallocation efficiente des facteurs de production. »
Evidemment, cette position ne vaut que pour les fanatiques du marché. L’OFCE conseille au gouvernement d’intervenir pour limiter la casse. Jusqu’à présent, les interventions de l’Etat se sont « limitées » à un dispositif de chômage partiel très généreux, mais dont la réduction est déjà actée ; et à un système de prêts garantis (PGE), qui risque surtout d’endetter les entreprises bénéficiaires. L’OFCE prône, pour sa part, une mesure plus radicale : l’Etat devrait aider directement les entreprises à reconstituer leurs fonds propres. Coût total de l’opération ? Entre 3 milliards d’euros (si l’on n’aide que les entreprises défaillantes en raison de la crise actuelle) et 8 milliards d’euros si l’Etat décide de sauver toutes celles qui pourraient déposer le bilan. Il ne s’agit là que d’une proposition, qui laisse bien des questions en suspens…à commencer par les éventuelles contreparties (sociales, environnementales, etc.) exigées des entreprises en échange de cette manne. Mais le mérite de l’OFCE est d’ouvrir le débat.


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