En l’absence de volontarisme politique,
les mois qui viennent pourraient voir se multiplier les dépôts de bilan. Dans
une étude publiée ce vendredi, l’OFCE tente de chiffrer le cataclysme à venir
et de dessiner quelques pistes pour l’éviter.
Le constat, malheureusement, ne fait plus débat : la période qui
s’ouvre risque d’être fatale à de nombreuses entreprises, frappées de plein
fouet par le ralentissement économique. Reste à déterminer l’ampleur du
désastre… Et à réfléchir aux moyens de l’éviter. L’OFCE (organisme de prévision
affilié à Science-Po) publie ce vendredi, une étude
inédite, dans laquelle il ouvre le débat. L’organisme tente
d’évaluer l’impact de la crise actuelle sur la solvabilité des entreprises
(c’est-à-dire leur capacité à rembourser leurs dettes), à partir d’un
échantillon d’un million de boites françaises, employant près de 11 millions de
salariés.
Le confinement s’est traduit par une chute brutale de l’activité - environ
120 milliards de baisse de PIB en huit semaines -, et un effondrement des
carnets de commandes. Toutes les analyses anticipent une très forte hausse du
chômage dans les mois à venir, qui risque de saper la demande. La Banque de
France estime, par exemple, que le taux de chômage pourrait atteindre 11,5% de
la population active mi 2021 (contre 8% environ fin 2019), ce qui constituerait
un plafond jamais atteint depuis quarante ans. L’étude de l’OFCE vise donc à
mesurer l’érosion possible du tissu productif français dans ce contexte, sans
négliger ses faiblesses structurelles préexistantes (fort endettement au cours
des dernières années, d’où une grande dépendance aux banques à court terme,
etc.).
Plus précisément, les économistes de l’OFCE font un « exercice »
de simulation, pour anticiper les comportements des entreprises françaises
confrontées à une baisse de la demande. Le résultat doit évidemment être pris
avec prudence, comme n’importe quelle prévision économique. Mais il fait froid
dans le dos. La pandémie pourrait entraîner environ 40 000 faillites
supplémentaires d’ici la fin de l’année, soit plus de 90 000 au total,
contre 55 000 en temps normal. Dans ce scénario, 250 000 emplois
seraient menacés. L’étude démontre que toutes les entreprises seraient
touchées, mais deux catégories paraissent particulièrement concernées :
les microentreprises (employant moins de 10 salariés) et les grandes
entreprises (employant plus de 5 000 salariés). Ces dernières pourraient
se retrouver en difficultés en raison d’une croissance de l’endettement. Sans
surprise, les secteurs les plus affectés sont l’hébergement, la restauration,
l’information et la construction.
Que faire face à ce risque d’hémorragie ? Pour les économistes les plus
libéraux, il n’y a pas lieu de paniquer : après tout, selon les bons vieux
principes darwiniens, les périodes de crise sont propices à la sélection des
« meilleurs ». Dans cette perspective, note l’OFCE, « il
ne faut pas limiter le nombre de faillites car c’est un processus de réduction
du nombre d’entreprises inefficientes. Les faillites libèrent des ressources,
comme le capital, ou des compétences pour les entreprises plus productives. De
ce fait, les faillites « nettoient » le tissu productif et contribuent à la
réallocation efficiente des facteurs de production. »
Evidemment, cette
position ne vaut que pour les fanatiques du marché. L’OFCE conseille au
gouvernement d’intervenir pour limiter la casse. Jusqu’à présent, les
interventions de l’Etat se sont « limitées » à un dispositif de
chômage partiel très généreux, mais dont la réduction est déjà actée ; et
à un système de prêts garantis (PGE), qui risque surtout d’endetter les
entreprises bénéficiaires. L’OFCE prône, pour sa part, une mesure plus
radicale : l’Etat devrait aider directement les entreprises à reconstituer
leurs fonds propres. Coût total de l’opération ? Entre 3 milliards d’euros (si
l’on n’aide que les entreprises défaillantes en raison de la crise actuelle) et
8 milliards d’euros si l’Etat décide de sauver toutes celles qui pourraient
déposer le bilan. Il ne s’agit là que d’une proposition, qui laisse bien des
questions en suspens…à commencer par les éventuelles contreparties (sociales,
environnementales, etc.) exigées des entreprises en échange de cette manne. Mais
le mérite de l’OFCE est d’ouvrir le débat.
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