dimanche 24 mai 2020

« ÉTINCELLE », L’ÉDITORIAL DE SÉBASTIEN CRÉPEL DANS L’HUMANITÉ DE CE JOUR !



 Bien sûr, on aurait envie d’y croire. Après tant de temps perdu à négliger les alertes de ceux qui, en première ligne, n’ont cessé de dénoncer les dramatiques effets des « réformes » successives de l’hôpital, le Ségur de la santé, qui démarre ce lundi, doit officiellement corriger le tir. Avant même de mesurer le degré de sincérité du virage politique qu’on nous promet, arrêtons-nous un instant sur le coût faramineux pour la société tout entière qu’a entraîné, à la lumière de la crise que nous traversons, la folie libérale qui a consisté à traiter le système public comme un « coût » à réduire, précisément.

À l’heure où un bon tiers de la France classé « rouge » vit encore partiellement confiné, rappelons que l’un des critères pour retrouver une existence normale, outre le ralentissement de la circulation du virus, est la baisse de la tension dans les hôpitaux. En d’autres termes, le manque de lits a été un facteur aggravant de la crise sanitaire, au même titre que la pénurie de masques et de tests, entraînant l’allongement des mesures de restriction dont on n’a pas fini de payer les ravages sociaux, psychologiques, scolaires, économiques et même médicaux avec les autres pathologies délaissées. Un chiffre : 100 000 personnes ont été hospitalisées depuis le début de l’épidémie en France. Soit sensiblement le nombre de lits supprimés en vingt ans.

Les mêmes qui ont laissé couler l’hôpital nous prient aujourd’hui de croire qu’ils ont changé. Mais comment ferait-on confiance à ceux qui ont menti sur les masques et qui continuent en niant toute « rupture » d’approvisionnement ? Derrière les grands mots, les recettes de charlatans sont recyclées : la question cruciale d’une autre répartition des richesses par l’impôt est escamotée au profit de cache-misère comme le « don de congés » ou la remise d’une breloque aux soignants, le chantier de la démolition des 35 heures est rouvert. De ce côté, rien de neuf ne surgira du Ségur, mais contre cette politique, une étincelle peut se produire. Ce n’est pas une concertation qui commence, c’est un rapport de forces qui se poursuit. Et il penche nettement du côté des personnels, car ils ont, par leurs efforts et leur sacrifice, gagné le soutien de tout le pays. En eux, on a envie de croire.


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