Chaque jour
qui passe apporte son lot d’incertitudes, de doutes et de craintes sur un
déconfinement dont la date a été décidée par un seul homme en excluant toute
planification. S’il est bien sûr essentiel de faire repartir l’activité,
ceci ne saurait en aucun cas, mettre en péril la santé des travailleurs et des
citoyens. Motivées avant tout par la défense des intérêts économiques et pour
protéger le pouvoir de poursuites pénales, les mesures de déconfinement se
révèlent une à une, imprévoyantes, inégalitaires et dangereuses.
Les enfants
sont ainsi renvoyés manu militari à l’école dans un épais brouillard.
Curieux ! L’école maternelle a surtout vocation à les socialiser tandis
que là, on leur apprendra à ne surtout pas s’approcher les uns des autres, avec
un protocole de 60 pages, véritable carcan dont le respect quasi impossible,
sans jeux, sans contacts, va créer une anxiété bien compréhensible chez de
petits enfants et l’épuisement des équipes enseignantes. Commencer par eux n’a
donc pour seule motivation que de permettre à leurs parents de reprendre la
route du travail, et des transports en commun avec des barrières de sécurité
illusoires alors que tous les avis médicaux les jugent essentielles. Le pouvoir
aura ouvert grand le parapluie en renvoyant sur les maires la responsabilité de
l’ouverture des écoles. Il laisse ainsi en suspens les questions fondamentales
d’égalité et d’universalité de l’enseignement. A quoi ressemblera le
volontariat des parents qui, au 2 juin, ne bénéficieront plus du chômage
partiel et seront contraints de retourner sur leur lieu de travail ?
Il n’y a pas d’autre cohérence dans de telles décisions que la prévalence des
choix économiques au détriment des travailleurs et de la santé de tous.
Non seulement
il a fallu plus de deux mois pour que le sommet de l’Etat daigne reconnaître
l’absolue nécessité des masques, puis plusieurs semaines avant d’assurer
l’approvisionnement du pays. Mais voici désormais que leur mise à disposition
est laissée à la discrétion de la grande distribution qui réalisera au passage
de juteux profits. Et celle-ci a constitué en secret des réserves au moment
même où médecins, infirmières, aides-soignants hurlaient leurs besoins et
comptaient leurs morts. Il est invraisemblable que l’Etat refuse de
réquisitionner et de mettre gratuitement ces masques à disposition de
l’ensemble de nos concitoyens, en prenant le risque de laisser se développer
une économie parallèle, des inégalités d’accès, et une spéculation sur un bien
d’urgente nécessité. La bataille pour obtenir la gratuité des masques doit être
portée avec force. Elle est légitimée par les pays qui nous entourent et qui
ont d’emblée adopté cette mesure de salubrité publique.
L’Etat
dispose d’outils contraignants pour réquisitionner, nationaliser, aider des
travailleurs à reprendre leurs usines délaissées en coopérative, définir les
chaines de production essentielles, embaucher le personnel nécessaire pour
affronter la crise. Le pouvoir doit être contraint de les utiliser au lieu
d’édicter des ordonnances de restrictions permanentes des libertés quand ce
n’est pas le fichage des simples citoyens.
Et la solidarité
doit devenir nationale et publique, en coopération avec les collectivités
locales, afin que cesse l’humiliation de celles et ceux qui sont contraints
d’allonger les files d’attente pour obtenir des colis alimentaires fournis par
les associations de solidarité. Ils trouvent des milliards pour soutenir
de grandes entreprises, pourquoi n’en trouvent-ils pas pour augmenter les APL,
décider de moratoires sur les loyers, décider d’un chèque énergie, supprimer la
TVA sur les produits de première nécessité, ou pour augmenter les prestations
sociales des plus démunis ?
L’Etat
d’urgence sanitaire prolongé et élargi ne vise qu’à renforcer les pouvoirs
monarchiques du couple exécutif en lambeaux, à maintenir l’étouffoir sur les
libertés publiques et à donner davantage de marges de manœuvres aux entreprises
pour pressurer la force de travail. L’union populaire qui se cherche doit
donner de la voix.
Patrick Le
Hyaric
L’éditorial
de L’Humanité-Dimanche du 07/05/2020
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