mercredi 22 février 2023

« Pipi sous la douche », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité.



Pas une goutte depuis le 21 janvier. Un mois entier sans pluie, des températures supérieures de trois à quatre degrés à la normale. On peut se réjouir de déjeuner au soleil en plein mois de février, mais nous sommes bel et bien face à une logique de catastrophes annoncées. Le dernier été, les incendies de forêts ont ravagé plus de 66 000 hectares en France, près de 800 000 en Europe. En Gironde, le spectacle dantesque des grands arbres s’enflammant comme des allumettes a laissé place à la terre brûlée sur plus de 33 000 hectares, mais le feu couve sous les cendres, en raison de la présence de lignite, le charbon naturel fossile, dans le sous-sol. L’hiver 2021-2022 avait déjà été déficient en eau. Moins 20 % en moyenne, avec des pics de 50 à 80 % dans le Sud.

L’hiver que nous vivons sera pire, avec des risques de méga-incendies redoublés à venir et pas seulement dans le Midi. L’été dernier, la forêt a brûlé aussi en Bretagne, dans les monts d’Arrée. Il n’y a pas que le feu. Les forêts ont trop chaud, les arbres ont soif, les parasites y pullulent. Les crises hydriques majeures sont devant nous. Le mode actuel de gestion de l’eau ne peut que les aggraver. Dans les Deux-Sèvres, les mégabassines, ces énormes réserves d’eau, ne servent qu’à 6 % des agriculteurs. En résumé, avec elles, il s’agit de la captation et de la concentration de la ressource au profit de l’agriculture intensive, du maïs particulièrement, essentiellement destiné à l’alimentation du bétail. On en annonce une centaine dans les années à venir.

Le 25 janvier, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a bien ­dévoilé un plan national pour l’eau. Il aurait l’ambition, si l’on peut dire, de ­réduire de 10 % les prélèvements dans les sous-sols, et de conseiller les Français pour leur consommation. Pipi sous la douche. «Il faut shabituer à la fin de labondance y compris pour leau», a déjà déclaré Emmanuel Macron. En attendant, la France attend deux Canadair de plus pour renforcer sa flotte de douze. Pour les spécialistes, c’est très loin du compte. Faute de prévenir les incendies, on n’arrivera même pas à les éteindre. Sauf à faire pipi sur le feu…

 

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