Inutile de feuilleter longtemps le projet de réforme
des retraites pour en constater l’inanité. En soi, l’article 1er, contre lequel
les députés de gauche ont commencé à batailler mardi, est un petit condensé de
mauvaise foi économique et de manipulation politique. Dans le viseur : les fameux
« régimes spéciaux » – notamment ceux des industries électriques et gazières, de la RATP et des clercs de notaire. Reprenant mot à mot les arguties néolibérales, le gouvernement propose de les supprimer au nom
du « principe d’équité et d’universalité de notre modèle
social ». Superbe exemple de sophisme où l’on voit une
Macronie, adepte des premiers de cordée et du ruissellement des grandes
fortunes, se grimer tout à coup en défenseur de l’égalité… On croit rêver.
La ficelle est grosse. Et l’argumentaire fallacieux.
Car tous ceux qui s’en soucient vraiment le savent : l’égalité n’est pas synonyme d’uniformité. Les régimes spéciaux ne sont pas un régime de faveur. Leur existence, qui inspira le régime général de la Sécurité sociale, vient compenser justement les contraintes, parfois
pénibles, de certains métiers. Accorder des droits sociaux pour rééquilibrer la
balance des destins : c’est ça, l’égalité réelle. Loin d’être les « privilégiés » caricaturés par la droite, ces travailleurs ne volent pas leurs droits. Ils les
acquièrent au prix de cotisations plus élevées que dans le privé. Et, malgré
tout, seul un quart d’entre eux part avant l’âge légal, faute de carrière
complète.
Personne n’est dupe. La suppression des régimes
spéciaux n’a aucune vertu d’équilibre ou de justice. Elle n’est qu’une manière
pernicieuse d’opposer les travailleurs entre eux. Un nivellement par le bas de
conquis qui durcira le sort des salariés concernés, sans améliorer celui de
tous les autres. Derrière cette mesure, c’est la conception même d’une retraite
gérée selon les besoins, par un système de solidarité professionnelle, qui est
attaquée. Au profit d’une vision strictement budgétaire, seule colonne
vertébrale de cette réforme.
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