Avec la livraison de chars allemands de
type Léopard, couverte par l’envoi de chars Abrams américains à l’armée
ukrainienne, nous entrons dans une nouvelle phase de la guerre. Une nouvelle
étape dangereuse. Une guerre que les protagonistes veulent durable au mépris
des intérêts des peuples.
L’agresseur, la Russie de Poutine, en
violation du droit international, n’a certes pas atteint ses objectifs
d’occupation de la totalité de l’Ukraine et du remplacement du gouvernement de
Kiev, mais elle sème depuis des mois un interminable cortège de morts et de
blessés, d’atrocités, de privations et d’exodes, de destructions d’équipements
et de services publics. Tout en bombardant régulièrement des villes et des
villages, son armée semble se concentrer sur le flanc Est, théâtre d’immondes
boucheries.
Des militaires ukrainiens témoignent que
de jeunes Russes enrôlés dans l’armée d’occupation sont offerts comme chair à
canon, quand ce ne sont pas les prisonniers intégrés – souvent de force – à la
tristement célèbre milice privée Wagner.
L’Ukraine réarmée, par les États-Unis et
les puissances de l’OTAN, résiste et la fourniture d’armes galvanise le
président ukrainien qui désormais réclame des avions de combat et des missiles
supersoniques.
S’il se le permet, c’est qu’il a l’autorisation
de l’OTAN de parler ainsi, au risque de la confirmation d’un changement de la
nature de la guerre. L’insistance de sa demande d’envois de chars sophistiqués
occidentaux incite à réfléchir à au moins à une question. L’armada des chars
ukrainiens est-elle détruite alors que les médias occidentaux ne cessent de
vanter les déboires de l’armée russe ? Après être passés d’une guerre quasi
interne entre le pouvoir de Kiev et les régions séparatistes de l’est à une
guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, nous assistons à une guerre
internationalisée entre la Russie et l’OTAN.
En tout état de cause, l’envoi de chars
signe la certitude d’une guerre longue, souhaitée de part et d’autre, sur le
dos du peuple ukrainien. Car ce sont les enfants, les femmes, les hommes, les
travailleurs ukrainiens qui subissent le déluge de souffrances et de peines
d’une guerre sanglante et destructrice, pour laquelle ils ne sont en rien
responsables.
L’Ukraine est désormais la proie
économique et géopolitique entre impérialismes antagoniques. Il faut faire
cesser cela ! et vite ! Les enfants de la Russie et les familles
populaires en paieront aussi le prix du sang et des larmes. Au-delà,
l’internationalisation de la guerre a déjà des effets collatéraux en cascade
contre les peuples du monde entier.
Pendant ce temps, les spéculateurs et
quelques grandes firmes, souvent à base nord-américaine, de l’armement, de
l’énergie, de l’agro-alimentaire, des transports engrangent des masses énormes
de capitaux tout en reconfigurant le capitalisme mondialisé. Ainsi, leur
domination, rendue encore plus agressive, s’accroît pour soumettre les
travailleurs du monde entier et les peuples aux sacrifices et aux restrictions
de libertés.
Les dirigeants américains ont donné le
ton dès le début de l’année, puis les ministres européens de la défense réunis
sur la base militaire américaine de Rammstein, le 26 janvier, ont exécuté. La
secrétaire adjointe à la défense a été claire sur les intentions : donner à
l’Ukraine tous les moyens dont elle aura besoin pour inverser la dynamique,
percer les lignes de défense russe et reconquérir ces territoires.
C’est donc l’enterrement définitif des
accords de Minsk. Il ne s’agit donc plus d’aider l’Ukraine à se défendre, mais
de passer à l’offensive. On glisse peu à peu sur la dangereuse pente d’une
co-belligérance et d’une confrontation, de plus en plus directe, entre les pays
de l’OTAN et la Russie.
La voie serait ainsi ouverte à tous les
risques, à tous les imprévus, à l’erreur fatale. Ce n’est donc pas de sommet de
guerre dont a besoin l’humanité aux prises d’une multitude de crises, interagissant
entre elles, au point d’en menacer l’existence.
Ce sont des sommets pour la paix, la
sécurité humaine et environnementale globale qui devraient être convoquées en
urgence. On ne peut accepter la reprise de cette folle course aux armements sur
le continent européen, alors qu’il y a tant de besoins à satisfaire pour les
services de santé, d’éducation, pour le droit à une alimentation de qualité, à
l’énergie décartonnée, au travail émancipé.
Le lien entre progrès social,
écologique, humain va de pair avec les combats pour la paix et le désarmement.
Il y a urgence à le faire entendre. La guerre ne sera gagnée par et pour aucun
peuple. Par contre, l’union des peuples peut faire gagner la paix. Les
conditions d’une négociation après un cessez-le-feu sont connues : repartir des
frontières du 21 février 2022 ; respecter et garantir la souveraineté
territoriale de l’Ukraine et de la Russie ; retourner aux accords de Minsk avec
l’organisation d’élections sous le contrôle de l’ONU dans les quatre régions de
l’Est de l’Ukraine ; statut de neutralité de ce pays en lien à la mise en place
d’une architecture de sécurité commune aux deux pays et à l’Europe tout
entière, comme alternative à l’OTAN – qui n’aurait plus lieu d’être.
Au lieu de s’asseoir docilement dans le
fourgon américain, la France devrait porter une diplomatie de paix. Encore
faudrait-il pour cela que le Parlement puisse en débattre régulièrement afin de
décider d’initiatives, non pas de livraisons de chars Leclerc ou
d’avions-Rafale, mais de discussions entre les dirigeants ukrainiens et russes,
en lien avec l’Organisation des Nations unies.
La France pourrait produire des actes en
direction de la Chine ou de l’Inde pour peser avec elles en faveur d’une sortie
de la guerre.
Nous ne sous-estimons pas le niveau des
efforts à produire, les contradictions à dépasser, les pressions à lever. Mais
la voie de la paix est la seule pour la construction durable de notre humanité
commune.
Patrick Le Hyaric
Le 30 janvier 2023