lundi 5 décembre 2022

« Devoir de vérité », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité.



Erdogan a-t-il franchi le pas des armes chimiques dans sa guerre menée au nord de l’Irak contre les rebelles kurdes du PKK? Lautocrate turc le nie farouchement. Mais comme nous le détaillons dans ces colonnes, de graves soupçons pèsent sur Ankara. Des photographies et des vidéos. Lune montre des combattants agonisant. Une autre des fûts d’acide chlorhydrique et d’eau de Javel, deux produits entrant dans la composition du gaz chlore. Une autre encore, des militaires turcs installant à l’entrée d’une grotte un tube de soufflerie, pouvant éventuellement projeter des substances volatiles…

Ces images, diffusées par le PKK, ne peuvent être considérées comme des preuves indiscutables. Mais elles constituent, au minimum, des indices graves et concordants. Suffisamment pour que l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire, qui s’est rendue sur place fin septembre, parle de «preuves indirectes» d’une possible violation de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques. Et réclame l’ouverture d’une enquête indépendante. La demande d’un seul des 193 États signataires de ce texte – dont la Turquie – suffirait à lancer les investigations. Or, face à ces graves soupçons, la communauté internationale détourne le regard, trahit sa plume, préférant la complaisance avec le régime d’Erdogan, poids lourd de l’Otan dans cette région, prompt à enfermer dans ses geôles les accusatrices trop bruyantes.

Interpellé, la semaine dernière, par le sénateur communiste Pierre Laurent, le gouvernement français botte en touche. Cette lâcheté, accentuée par la pression diplomatique des États-Unis, n’est pas nouvelle. Elle fait, aujourd’hui, le jeu de cette sale guerre contre les «terroristes» du PKK, appellation chère à Erdogan, dont lUnion européenne affuble également le Parti des travailleurs du Kurdistan qui a, pourtant, consenti de lourds sacrifices pour défaire Daech. Lancer une enquête sur ces accusations d’usage d’armes chimiques relève du devoir de vérité. Elle permettrait de sortir de la compromission aveugle. Si proche de la complicité.

 

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