Erdogan a-t-il franchi le pas des armes chimiques dans
sa guerre menée au nord de l’Irak contre les rebelles kurdes du PKK ? L’autocrate turc le nie farouchement. Mais comme nous le
détaillons dans ces colonnes, de graves soupçons pèsent sur
Ankara. Des photographies et des vidéos. L’une montre des combattants agonisant. Une autre des
fûts d’acide chlorhydrique et d’eau de Javel, deux produits entrant dans la
composition du gaz chlore. Une autre encore, des militaires turcs installant à
l’entrée d’une grotte un tube de soufflerie, pouvant éventuellement projeter
des substances volatiles…
Ces images, diffusées par le PKK, ne peuvent être
considérées comme des preuves indiscutables. Mais elles constituent, au
minimum, des indices graves et concordants. Suffisamment pour que l’Association
internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire, qui
s’est rendue sur place fin septembre, parle de « preuves indirectes » d’une possible violation de la Convention sur
l’interdiction des armes chimiques. Et réclame l’ouverture d’une enquête
indépendante. La demande d’un seul des 193 États signataires de ce texte – dont
la Turquie – suffirait à lancer les investigations. Or, face à ces graves
soupçons, la communauté internationale détourne le regard, trahit sa plume,
préférant la complaisance avec le régime d’Erdogan, poids lourd de l’Otan dans
cette région, prompt à enfermer dans ses geôles les accusatrices trop
bruyantes.
Interpellé, la semaine dernière, par le sénateur
communiste Pierre Laurent, le gouvernement français botte en touche. Cette
lâcheté, accentuée par la pression diplomatique des États-Unis, n’est pas
nouvelle. Elle fait, aujourd’hui, le jeu de cette sale guerre contre les « terroristes » du PKK,
appellation chère à Erdogan,
dont l’Union européenne affuble également le
Parti des travailleurs du Kurdistan qui a, pourtant, consenti de lourds
sacrifices pour défaire Daech. Lancer une enquête sur ces accusations d’usage
d’armes chimiques relève du devoir de vérité. Elle permettrait de sortir de la
compromission aveugle. Si proche de la complicité.
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