Le chiffre, à lui seul, donne la dimension historique
du mouvement. Cela faisait cent six ans, depuis la création de leur syndicat,
que les infirmières britanniques ne s’étaient pas mises en grève. Ce jeudi,
ainsi que le 20 décembre, elles seront plus de 100 000 à débrayer en
Angleterre, au pays de Galles et en Irlande du Nord. Du jamais-vu, même sous le
règne de l’inflexible Margaret Thatcher. Ce défilé inédit illustre la gravité
de la crise sociale qui secoue le Royaume-Uni, où la question salariale est
devenue incandescente sur fond d’inflation galopante. Postiers, cheminots,
personnels des aéroports… les secteurs, notamment publics, se mobilisent les
uns après les autres. Jusqu’au 31 décembre – au moins –, le pays ne
connaîtra aucune journée sans grève.
Le cas des infirmières est exemplaire à plus d’un
titre. Depuis 2010, leur revenu a chuté de 20 %. À tel point que certains
hôpitaux ont dû ouvrir des banques alimentaires pour soutenir le personnel…
Éreintées, sous-payées, 25 000 d’entre elles
ont claqué la porte l’an dernier. Aux demandes légitimes de rattrapage salarial, la réponse du
premier ministre conservateur Rishi Sunak est celle – pavlovienne – de tous les
gouvernements libéraux : l’austérité budgétaire et, surtout, pas d’augmentation des salaires qui pourrait nourrir la hausse des prix. Oui, la
même rengaine de la « spirale inflationniste » que le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, aime à servir
de ce côté-ci de la Manche. Un faux nez bien pratique pour renvoyer les
syndicats dans les cordes, mais démonté par le FMI lui-même dans une étude très
sérieuse que nous décryptons ce jour dans nos pages.
Le bras de fer engagé par les travailleurs et
travailleuses britanniques, soutenus par une bonne partie de l’opinion
publique, n’a rien d’un simple coup de gueule. C’est un coup de semonce envoyé
à tous les gouvernements enivrés de dogmes libéraux. Un avertissement que la
Macronie, qui a mis la question salariale sous le tapis et s’apprête à passer
en force sur la réforme des retraites, ferait bien de prendre au sérieux. Cette
colère-là n’attendra pas un siècle.
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