Certains récits ravagent les esprits… Alors que les
trois semaines d’errance du navire de secours Ocean Viking, en
Méditerranée, sont encore dans tous les esprits en tant que révélateur du
désastre européen des politiques migratoires, les révélations du Monde –
insupportables – sur les conditions du naufrage d’une embarcation de fortune
transportant des migrants, survenu le 24 novembre 2021 dans la Manche,
nous laissent sans voix et provoquent un profond sentiment de honte et de
colère. Les faits s’avèrent terribles, puisque les investigations sur ce drame,
un an après l’ouverture d’une information judiciaire, révèlent qu’au moment où
la tragédie se produisait les occupants du bateau ont appelé à de très
nombreuses reprises les secours français. La divulgation des communications en
atteste : malgré les cris et les pleurs, audibles sur les
enregistrements, aucun moyen de sauvetage n’a été envoyé…
Ce jour-là, vingt-sept corps furent repêchés, dont
ceux de six femmes et d’une fillette. Il n’y eut que deux survivants, pour ce
qui reste le naufrage le plus grave depuis que des migrants entreprennent de
rejoindre l’Angleterre à bord de canots pneumatiques. La localisation exacte du
bateau avait d’ailleurs été communiquée dans la nuit, à deux reprises, au
centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage maritimes (Cross)
du Gris-Nez (Pas-de-Calais), composé de militaires et sous l’autorité du préfet
maritime de la Manche et de la mer du Nord. Pourtant, en toute inhumanité, le
Cross n’enverra aucun moyen de sauvetage et se contentera de saisir le centre
de coordination des secours anglais, à Douvres. Pire, une opératrice du Cross a
même menti aux occupants en leur disant de garder leur calme et que les secours
arrivaient… Cynisme absolu.
Cette sordide histoire, qui s’apparente à un délit
majeur de non-assistance à personnes en danger, s’est déroulée en France, et
toute une chaîne de commandement a fermé les yeux jusqu’à provoquer l’irréparable,
la mort d’êtres humains. Depuis ces révélations, nous sommes frappés par le
silence assourdissant des autorités, de l’exécutif… et de la plupart des médias
dominants. Comme la marque infâme d’une banalisation poussée à l’extrême.
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