mercredi 19 octobre 2022

30°C le 18 octobre : « L’hiver va se contracter », explique Christophe Cassou, climatologue

 


Alors que des températures flirtant avec les 30 °C sont attendues dans le sud-ouest, Christophe Cassou, climatologue et directeur de recherche au CNRS, rappelle la nécessité absolue de réduire nos émissions de carbone. Entretien.

Des températures record pour un mois d’octobre sont attendues cette semaine, dans le sud et le sud-ouest de la France. Comment analysez-vous ce nouveau coup de chaud ?

Nous sommes dans la continuité d’un été très favorable aux vagues de chaleur. En quelques mois, nous aurons vécu, en Europe, une grande partie des processus atmosphériques qui conduisent à des vagues de chaleur : d’abord ce que l’on appelle des plumes de chaleur, caractérisées par un air chaud transporté depuis le Maghreb, vers le nord et associé à une petite dépression. Ensuite, nous avons vécu la combinaison d’une plume et d’un dôme de chaleur, statique et caractérisé par un anticyclone sur l’ouest de l’Europe qui a favorisé une compression d’air vers le sol. Aujourd’hui, nous subissons une nouvelle vague de chaleur, cette fois-ci associée à de grandes modifications de la circulation atmosphérique planétaire. Généralement, les vents d’ouest qui viennent de l’Atlantique ceinturent, en quelque sorte, la planète. Mais il arrive que ces vents ondulent, à la façon d’un serpent créant des méandres. Cette ondulation génère des vents de sud qui aspirent l’air chaud d’Afrique et le pousse vers le nord. C’est ce qui se passe en ce moment. Il s’agit de phénomènes « normaux », en ce sens qu’ils ne sont pas créés par l’influence humaine. En revanche, l’influence humaine agit comme un dopant. C’est ce qui explique que les records tombent régulièrement. Les vagues de chaleurs sont plus intenses, plus fréquentes, plus longues et surtout, interviennent désormais en juin et en septembre, c’est-à-dire dehors des périodes traditionnelles,

2022 est-elle définitivement l’année du réchauffement climatique en France ? Est-ce un point de bascule ?

Climatiquement parlant, non. Par contre, dans la prise de conscience, je l’espère. Nous venons d’expérimenter l’ensemble des risques exacerbés par le réchauffement climatique : Sécheresses, vague de chaleur, canicules, orages extrêmes, inondations. L’influence humaine de 2022 sur le climat est la même que l’année précédente, mais ses conséquences sont de plus en plus graves. C’est cela qu’il faut retenir de cette année : les fluctuations du climat, parfois chaotiques, sont renforcées par l’activité humaine.

Faut-il s’attendre à la disparition des automnes ?

On ne peut pas l’affirmer. Mais il faut s’attendre à un raccourcissement des printemps et à des automnes tardifs. La saison estivale va se rallonger et l’hiver se contracter. Nous sommes sur cette trajectoire depuis longtemps. Pour le climatologue que je suis, cet été 2022 n’est pas une surprise. Nous savons que la France vit à un rythme de réchauffement de l’ordre de 1,7 °C. Cet été n’est pas non plus une rupture, il est simplement emblématique des effets du changement climatique. Il est un avant-goût de ce que l’on va vivre dans les prochaines années. Un été classique de 2050.

Est-il encore question d’adaptation ou est-ce trop tard ?

L’adaptation est une nécessité absolue. Chaque dixième de degré supplémentaire rend l’adaptation plus complexe. Il faut agir maintenant. Pour certains écosystèmes marins et terrestres, le point de non-retour a été atteint. Mais pour ce qui est de l’agriculture par exemple, il fait absolument accélérer l’adaptation de nos systèmes. D’autant plus que nous savons que s’adapter à un climat qui change permet d’atténuer le changement climatique lui-même, car les mesures d’adaptation comprennent des mesures de réduction des émissions de carbone. L’agro écologie comme l’agro foresterie conduisent par exemple à plus de résilience. L’adaptation et la décarbonation doivent être conjointes.

Que faut-il faire pour inverser la tendance ?

Les rapports du GIEC sont très clairs : sans réduction immédiate et soutenue de nos émissions de gaz à effet de serre et de l’artificialisation des sols, il nous sera impossible de limiter le réchauffement global en dessous de 2 °C, comme inscrit dans l’accord de Paris. Les leviers existent. Les bonnes pratiques aussi. Les réponses ne sont pas à inventer, elles sont à implémenter. C’est un enjeu politique et démocratique. Il s’agit de mettre en œuvre la transformation de nos sociétés vers des modes de vie bas carbone. Les transformations sont par essence collectives. Et d’une certaine manière, cet été 2022 aura été un coup de semonce, mais également un plaidoyer pour l’action

Entretien réalisé par Marion d’Allard

 

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