Alors que des
températures flirtant avec les 30 °C sont attendues dans le sud-ouest,
Christophe Cassou, climatologue et directeur de recherche au CNRS, rappelle la
nécessité absolue de réduire nos émissions de carbone. Entretien.
Des températures record pour un mois d’octobre sont attendues cette semaine, dans le sud et le sud-ouest de la France. Comment analysez-vous ce nouveau coup de chaud ?
Nous sommes
dans la continuité d’un été très favorable aux vagues de chaleur. En quelques
mois, nous aurons vécu, en Europe, une grande partie des processus
atmosphériques qui conduisent à des vagues de chaleur : d’abord ce que l’on
appelle des plumes de chaleur, caractérisées par un air chaud transporté depuis
le Maghreb, vers le nord et associé à une petite dépression. Ensuite, nous
avons vécu la combinaison d’une plume et d’un dôme de chaleur, statique et
caractérisé par un anticyclone sur l’ouest de l’Europe qui a favorisé une
compression d’air vers le sol. Aujourd’hui, nous subissons une nouvelle vague
de chaleur, cette fois-ci associée à de grandes modifications de la circulation
atmosphérique planétaire. Généralement, les vents d’ouest qui viennent de
l’Atlantique ceinturent, en quelque sorte, la planète. Mais il arrive que ces
vents ondulent, à la façon d’un serpent créant des méandres. Cette ondulation
génère des vents de sud qui aspirent l’air chaud d’Afrique et le pousse vers le
nord. C’est ce qui se passe en ce moment. Il s’agit de phénomènes « normaux »,
en ce sens qu’ils ne sont pas créés par l’influence humaine. En revanche,
l’influence humaine agit comme un dopant. C’est ce qui explique que les records
tombent régulièrement. Les vagues de chaleurs sont plus intenses, plus
fréquentes, plus longues et surtout, interviennent désormais en juin et en
septembre, c’est-à-dire dehors des périodes traditionnelles,
2022 est-elle
définitivement l’année du réchauffement climatique en France ? Est-ce un point
de bascule ?
Climatiquement
parlant, non. Par contre, dans la prise de conscience, je l’espère. Nous venons
d’expérimenter l’ensemble des risques exacerbés par le réchauffement
climatique : Sécheresses, vague de chaleur, canicules, orages extrêmes,
inondations. L’influence humaine de 2022 sur le climat est la même que l’année
précédente, mais ses conséquences sont de plus en plus graves. C’est cela qu’il
faut retenir de cette année : les fluctuations du climat, parfois chaotiques,
sont renforcées par l’activité humaine.
Faut-il
s’attendre à la disparition des automnes ?
On ne peut
pas l’affirmer. Mais il faut s’attendre à un raccourcissement des printemps et
à des automnes tardifs. La saison estivale va se rallonger et l’hiver se
contracter. Nous sommes sur cette trajectoire depuis longtemps. Pour le
climatologue que je suis, cet été 2022 n’est pas une surprise. Nous savons que
la France vit à un rythme de réchauffement de l’ordre de 1,7 °C. Cet été
n’est pas non plus une rupture, il est simplement emblématique des effets du changement
climatique. Il est un avant-goût de ce que l’on va vivre dans les prochaines
années. Un été classique de 2050.
Est-il encore
question d’adaptation ou est-ce trop tard ?
L’adaptation
est une nécessité absolue. Chaque dixième de degré supplémentaire rend
l’adaptation plus complexe. Il faut agir maintenant. Pour certains écosystèmes
marins et terrestres, le point de non-retour a été atteint. Mais pour ce qui
est de l’agriculture par exemple, il fait absolument accélérer l’adaptation de
nos systèmes. D’autant plus que nous savons que s’adapter à un climat qui
change permet d’atténuer le changement climatique lui-même, car les mesures
d’adaptation comprennent des mesures de réduction des émissions de carbone.
L’agro écologie comme l’agro foresterie conduisent par exemple à plus de
résilience. L’adaptation et la décarbonation doivent être conjointes.
Que faut-il
faire pour inverser la tendance ?
Les rapports
du GIEC sont très clairs : sans réduction immédiate et soutenue de nos
émissions de gaz à effet de serre et de l’artificialisation des sols, il nous
sera impossible de limiter le réchauffement global en dessous de 2 °C,
comme inscrit dans l’accord de Paris. Les leviers existent. Les bonnes
pratiques aussi. Les réponses ne sont pas à inventer, elles sont à implémenter.
C’est un enjeu politique et démocratique. Il s’agit de mettre en œuvre la
transformation de nos sociétés vers des modes de vie bas carbone. Les
transformations sont par essence collectives. Et d’une certaine manière, cet
été 2022 aura été un coup de semonce, mais également un plaidoyer pour l’action
Entretien
réalisé par Marion d’Allard
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