mardi 18 octobre 2022

« Envie d’en découdre », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.



Il y aurait presque un paradoxe. C’est au moment où le pouvoir d’achat recule à des niveaux inédits que des centaines de milliers de salariés décident de faire grève, donc de réduire encore un peu plus le montant porté sur leur fiche de paye à la fin du mois. Il faut que la colère soit grande pour faire ce choix. Ceux qui manifestent – postiers, techniciens, secrétaires, infirmiers, cheminots, professeurs, chômeurs – n’arrivent pas ou n’arrivent plus à joindre les deux bouts. S’ils donnent de la voix en ville comme à la campagne, c’est pour dénoncer un quotidien de plus en plus difficile. Ils en ont marre de vivre une existence dans laquelle, même sans aucune fantaisie, le découvert n’est jamais loin. Ce qu’ils veulent, c’est simplement gagner un peu plus pour vivre normalement.

En se mobilisant, ils posent, qu’ils en aient conscience ou non, deux questions centrales. La première est de nature démocratique. C’est la réaffirmation du droit de grève. Le droit qu’ont les salariés de cesser le travail lorsqu’ils ne sont pas écoutés. Contrairement à ce qui est raconté par le gouvernement sous les applaudissements de la droite et de l’extrême droite, une grève, ce ne sont pas des gens égoïstes qui en empêchent d’autres de travailler. Une grève, ce sont des travailleuses et des travailleurs qui ne se battent pas seulement pour eux- mêmes mais pour l’amélioration du sort de leurs collègues, et du monde du travail dans son entier. Et c’est la seconde question qui émerge, celle du partage de la richesse. Cela passe, pour commencer, par l’indexation des salaires sur l’évolution des prix, donc l’augmentation du Smic et des minima sociaux.

Tout le monde a compris que, pendant que le gouvernement exhorte à la «sobriété», les patrons et les actionnaires engrangent sur tous les tableaux: sur laugmentation des prix à la consommation, sur la spéculation et sur la surexploitation du travail. Et cest bien pour poursuivre dans cette logique, la même qui conduit à vouloir rallonger le temps de travail avant de pouvoir partir en retraite, que le gouvernement et le patronat cherchent à opposer les gens entre eux. S’ils y réussissent pour une part, il n’en reste pas moins que ceux qui ont envie d’en découdre avec ce système au service exclusif des riches et des puissants sont de plus en plus nombreux. Vont-ils se retrouver et converger dans l’un de ces grands mouvements d’automne qui emporte tout sur son passage? Cest la grande peur du patronat.

 

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