Le gouvernement devrait prendre prétexte de la
publication du nouveau rapport du Conseil d’orientation des retraites, jeudi,
pour annoncer sa réforme brutale. Les syndicats préviennent qu’ils feront front
commun contre cet oukase.
Fini d’amuser la galerie. Foin de discussions ouvertes et de concertations. Après avoir lancé le processus d’économies sur l’assurance-chômage, la semaine dernière, le gouvernement embraye avec son coup de frein sur le système des retraites. Tuée lors du séminaire de rentrée à l’Élysée, la mesure phare du candidat Macron resurgit avec empressement. Avec toutes ses régressions : recul de l’âge légal de départ de 62 ans à 64 ou 65 ans, allongement de la durée de cotisation pour prétendre à une pension à taux plein, disparition définitive des régimes spéciaux. Les contreparties s’annoncent chiches : prise en compte « d’éléments de pénibilité » et niveau minimal de pension à 1 100 euros, déjà grignoté par l’inflation.
La publication du nouveau rapport du Conseil
d’orientation des retraites sert de détonateur à cette accélération du tempo.
Des conclusions non encore définitives ont fuité dès lundi soir. Depuis, les
ministres divulguent les mêmes éléments de langage. « Visiblement, on est dans un mur budgétaire », avançait par exemple mardi matin Geneviève
Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées, pour assumer
un futur passage en force. Celui-ci devrait être déclenché après la
présentation officielle des projections du COR, jeudi.
Coup bas du gouvernement
Reçues lundi dernier au ministère du Travail, les
organisations syndicales ont dénoncé unanimement une probable manœuvre à la
hussarde : une réforme passée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), à
toute vitesse afin d’éviter un mouvement social de l’ampleur de celui de
2019-2020, et en force avec l’option du 49-3 pour mettre au pas les oppositions
au Parlement. « Le fil rouge du gouvernement reste le recul de l’âge
légal de 62 ans à 64 ans, et 65 ans en option. S’ajoute aussi la
piste de l’augmentation du nombre de trimestres cotisés pour obtenir une
pension à taux plein. Soit il choisit de tout faire passer dans le projet de
loi de financement de la Sécurité sociale. Alors la concertation se réduira à
une réunion, le 19 septembre, avant sa présentation au Parlement. Soit
il use d’une loi, en y intégrant des sujets comme les carrières longues. Quoi
qu’il en soit, la finalité reste la même : faire travailler plus
longtemps », souligne Régis Mezzasalma, de la CGT.
La voie du PLFSS permettrait d’accélérer la mise en
place de la précédente réforme Touraine, voire de l’aggraver. Adoptée en 2014
pour, déjà à l’époque, équilibrer les comptes de l’assurance-retraite, celle-ci
est en cours. Ses modalités ajoutent un trimestre cotisé toutes les trois
générations : de 167 trimestres (41 ans et 9
mois de travail) pour les personnes nées entre 1958 et 1960 ; à 172 (43 ans) pour la classe 1973. « Le gouvernement peut augmenter ce nombre de trimestres
à chaque génération. Si bien que les 43 ans à cotiser, prévus effectifs en
2035, pourraient l’être dès 2030, voire 2026. Des générations devront donc
travailler plus que ce qu’on leur a promis avec la réforme Touraine », dénonce Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO.
Le faux nez du rapport du COR
« Le système de retraite français n’est pas équilibré financièrement. Il est même structurellement en déficit », a
affirmé au Point le ministre du Travail Olivier Dussopt, avant
la divulgation du rapport du COR, concluant qu’ « il faudra travailler plus longtemps à l’échelle d’une vie ». Pour étayer ce jugement hâtif, la majorité a déjà
commencé à manipuler les attendus du rapport du COR. Passant rapidement sur
l’excédent spectaculaire (+3,5 milliards d’euros) attendu cette année
grâce à une reprise d’activité tonitruante depuis 2021 générant des surplus de
cotisations, les caciques macroniens préfèrent retenir de l’étude que « le solde se dégraderait sensiblement » dès 2023 et que « le système serait déficitaire en moyenne sur les 25 prochaines années ».
« Avec 0,4 point de PIB en 2027 et 0,5 à 0,8 en 2032, le déficit demeurerait faible. Les scénarios du COR démontrent que le système n’explosera pas du tout mais restera maîtrisé, jusqu’à revenir à l’équilibre en 2062. D’autant que ses calculs prennent en compte
des hypothèses de productivité au travail ou des niveaux de chômage très
prudents », analyse l’économiste atterré Henri Sterdyniak. Au vu
des nouvelles projections du Conseil, « un peu plus optimistes que les précédentes », Michel Beaugas estime pour FO qu’une nouvelle réforme paramétrique
relèverait « d’un entêtement idéologique du président ». Toutes les organisations syndicales ont annoncé
qu’elles feront front contre cet acharnement.
Un chantage sur les dépenses sociales
Sachant tout de même fragile l’argument de la
restauration de l’équilibre financier du système des retraites, le candidat
Macron avait déjà prévu le coup, en précisant avant sa réélection que les
économies réalisées sur les dépenses retraites offriraient des marges de
manœuvre pour « investir massivement » dans la transition écologique, la dépendance, la santé… Ce vernis de
solidarité entre générations – les anciens se sacrifiant pour l’avenir des plus
jeunes – peine à masquer l’impasse financière dans laquelle se trouve le
gouvernement. Il doit, d’un côté, respecter le programme de stabilité 2022-2027
transmis à Bruxelles visant à revenir sous la barre des 3 % de déficit
public, en taillant dans les dépenses publiques sans augmenter aucun
prélèvement. De l’autre, il doit parer à la crise énergétique, tout en
continuant de déverser entre 150 et 200 milliards d’euros d’aides aux
entreprises sans contrepartie. Seul viatique pour cette logique libérale : des coupes
substantielles sur les assurances-retraite et chômage.
« Recettes est un mot tabou pour ce gouvernement. Avec + 1 % de cotisations,
le régime de retraite passerait la
petite bosse qu’il a devant lui sur les 15 prochaines années et réglerait le grand problème des années à venir : la paupérisation des retraités », suggère l’économiste Henri Sterdyniak. Son collègue
Denis Durand plaide, lui, pour « un élargissement de l’assiette des cotisations retraite afin de s’assurer qu’une partie plus importante des richesses créées finance notre système de retraite ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire