lundi 25 juillet 2022

« La Tunisie sous la menace », l’éditorial de Pierre Barbancey dans l’Humanité.



Quel que soit le résultat du référendum organisé ce lundi, que la participation soit massive ou non, Kaïs Saïed en sortira grand gagnant. La Tunisie, qui avait réussi à se débarrasser du dictateur Zine El Abidine Ben Ali à l’issue d’une révolution si extraordinaire qu’elle s’était propagée partout dans le monde arabe, pourrait bien se retrouver sous la poigne d’un homme qui, sous des allures débonnaires, est en train de s’octroyer les pleins pouvoirs.

C’est d’autant plus grave que le président en place a su passer, aux yeux des Tunisiens, notamment des jeunes, comme capable de résister aux islamistes d’Ennahdha et de son leader Rached Ghannouchi, président du Parlement, tant dans le domaine du rigorisme religieux que s’agissant des prébendes et du népotisme. C’était oublier que ces mêmes islamistes ont aidé Kaïs Saïed à accéder au pouvoir lors de la présidentielle d’octobre 2019. L’opposition n’est que de façade. Ainsi, contrairement à la Constitution de 2014, dans la Constitution de Saïed, la mention de «lÉtat civil», qui garantissait jusque-là une relative séparation religieuse, disparaît. Il affirme au contraire que la Tunisie «fait partie de la communauté islamique» et que «l’État doit travailler pour atteindre les objectifs de lislam». Comme la charia, par exemple. De même, aucun objectif économique n’est mentionné alors que les prérogatives du Parlement – dissous depuis le mois de mars – sont rognées, voire inexistantes face à un exécutif ultra-puissant.

Il est donc fort à craindre que le référendum ne consacre la stature présidentielle inamovible et inatteignable, décidant de tout pour tous. La Tunisie tomberait alors de Charybde en Scylla. Dans un espace politique vidé, où les progressistes s’égosillent, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) demeure un solide rempart démocratique, rare organisation capable d’éviter le pire en mobilisant autour du triptyque réellement révolutionnaire: pain, liberté et justice sociale.

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