Quel que soit le résultat du référendum organisé ce
lundi, que la participation soit massive ou non, Kaïs Saïed en sortira grand
gagnant. La Tunisie, qui avait réussi à se débarrasser du dictateur Zine El
Abidine Ben Ali à l’issue d’une révolution si extraordinaire qu’elle s’était
propagée partout dans le monde arabe, pourrait bien se retrouver sous la poigne
d’un homme qui, sous des allures débonnaires, est en train de s’octroyer les
pleins pouvoirs.
C’est d’autant plus grave que le président en place a
su passer, aux yeux des Tunisiens, notamment des jeunes, comme capable de
résister aux islamistes d’Ennahdha et de son leader Rached Ghannouchi,
président du Parlement, tant dans le domaine du rigorisme religieux que
s’agissant des prébendes et du népotisme. C’était oublier que ces mêmes
islamistes ont aidé Kaïs Saïed à accéder au pouvoir lors de la présidentielle d’octobre
2019. L’opposition n’est que de façade. Ainsi, contrairement à la Constitution
de 2014, dans la Constitution de Saïed, la mention de « l’État civil », qui garantissait jusque-là une relative séparation religieuse, disparaît. Il affirme au contraire que la Tunisie « fait partie de la communauté islamique » et que « l’État doit travailler pour
atteindre les objectifs de l’islam ». Comme la charia, par exemple. De même, aucun
objectif économique n’est mentionné alors que les prérogatives du Parlement –
dissous depuis le mois de mars – sont rognées, voire inexistantes face à un
exécutif ultra-puissant.
Il est donc fort à craindre que le référendum ne
consacre la stature présidentielle inamovible et inatteignable, décidant de
tout pour tous. La Tunisie tomberait alors de Charybde en Scylla. Dans un
espace politique vidé, où les progressistes s’égosillent, l’Union générale
tunisienne du travail (UGTT) demeure un solide rempart démocratique, rare
organisation capable d’éviter le pire en mobilisant autour du triptyque
réellement révolutionnaire : pain, liberté et justice sociale.
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