Une crise politique et un quinquennat déjà dans
l’impasse. La majorité absolue envolée, l’extrême droite en force au Parlement,
un président de l’Assemblée nationale défait… La logique du scrutin majoritaire,
pierre angulaire de la monarchie présidentielle, a volé en éclats le week-end
dernier, signant, pour ceux qui en doutaient encore, la mort symbolique de la
Ve République. Certes, un chef de l’État sans majorité nette au Parlement est
une banalité chez nombre de nos voisins européens. En France, les institutions,
et d’autant plus depuis l’inversion du calendrier électoral, ont été
entièrement conçues pour éviter un tel scénario. Le premier quinquennat Macron
aura usé jusqu’à la corde les grosses ficelles du présidentialisme absolu,
niant comme jamais le rôle législatif grâce à une armée de députés godillots
aux ordres de l’Élysée. Les restrictions sans précédent des libertés publiques
au plus fort de la pandémie ont toutes été décidées par un seul homme et prises
depuis un Conseil de défense opaque. Ce régime absolutiste, qui repose sur
l’élection du président de la République au suffrage universel direct et sur la
maîtrise du pouvoir législatif par un parti présidentiel dominateur, a
aujourd’hui un pied dans la tombe. Et pas seulement pour des raisons
institutionnelles.
La démocratie française craque de toutes parts sous la
pression de l’abstention, de la dépolitisation de la société, des inégalités
insupportables que la gauche au pouvoir n’a pas réussi à enrayer, de services
publics qui s’écroulent, d’un État de droit rabougri, sur lesquels l’extrême
droite creuse son sillon. C’est la principale responsabilité d’Emmanuel Macron.
En jouant les apprentis sorciers de la triangulation, le président de la
République s’est brûlé les ailes, permettant un score historique du RN à la
présidentielle puis aux législatives, avec son entrée en force au
Palais-Bourbon. L’extrême droite aura les coudées franches pour imposer ses
paniques identitaires dans l’Hémicycle. En renvoyant grossièrement dos à dos la
gauche rassemblée et l’extrême droite, à coups d’inepties confusionnistes, les
macronistes ont poignardé les valeurs républicaines dans lesquelles ils osent
pourtant se draper. Le comportement du camp présidentiel dans
l’entre-deux-tours va laisser des traces terribles dans le débat public. Son
refus d’appeler clairement à voter pour des candidats de la Nupes face au RN a
achevé de faire sauter la digue républicaine qui lui a pourtant permis d’être
réélu à l’Élysée, grâce au concours des voix de gauche au second tour de la
présidentielle. Clairement, les macronistes ont contribué à faire élire des
députés d’extrême droite.
Alors, la première ministre a beau chercher en vain à
faire mentir l’élection, les faits sont là : le camp présidentiel n’a plus de
majorité dans le pays pour son projet de casse sociale. Pour
ceux qui ont pris la peine de se déplacer aux urnes (46 %), les Français ont majoritairement choisi de refuser la retraite à 65 ans,
l’austérité et la destruction des services publics. Nombre d’entre eux ont
souhaité redonner des couleurs à une gauche de combat, en élisant près de 150
députés qui siègeront avec la Nupes. Première force d’opposition, elle devra
arracher des victoires pour les classes populaires. C’est la seule boussole à
tenir pour ramener à la vie politique la cohorte d’abstentionnistes désabusés
qui ne croient plus au pouvoir du vote pour imposer la possibilité d’un autre
monde.
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