Il y a près d’un demi-siècle, deux ans avant le vote
en France, avec la loi Veil, du droit à l’IVG conquis de haute lutte, la Cour
suprême des États-Unis, par sept voix contre deux, validait, avec l’accord
Roe v. Wade, le droit des femmes à disposer de leur corps au nom de
l’égalité entre hommes et femmes et du respect de la vie privée.
Samedi, dans 450 villes des États-Unis, des dizaines
de milliers de manifestantes et de manifestants protestaient contre
l’éventualité d’une remise en cause de ce droit par la Cour suprême elle-même,
en ouvrant aux États la possibilité d’interdire l’IVG ou de le limiter
drastiquement. On prête ces intentions à 26 États. Déjà, dans nombre d’entre
eux, les restrictions sont telles qu’avorter est devenu impossible pour des milliers
de femmes. Certains, comme le Texas, ont même défini des villes entières comme
des « sanctuaires d’enfants ». Ce
n’est pas nouveau aux États-Unis. Donald Trump, dès le début de son mandat,
avait interdit les ONG favorables à l’IVG, avec ce commentaire du porte-parole
de la Maison-Blanche, un chef-d’œuvre d’absurdité : « Il veut agir pour tous les Américains, y compris ceux qui ne sont pas encore nés. »
Ce qui se passe là ne concerne pas que les États-Unis.
Une vague réactionnaire, conservatrice, se répand un peu partout dans le monde.
Les menaces contre l’IVG en Pologne ne sont que suspendues. L’avortement est
interdit à Malte, pourtant membre de l’UE. Il est interdit ou fortement
restreint dans plusieurs dizaines de pays avec des peines allant jusqu’à cinquante
ans de prison. Surtout, l’IVG, fondé sur le droit imprescriptible des femmes à
disposer de leur corps, a aussi une dimension politique. Elle touche à la
domination patriarcale exercée sur elles, et c’est aussi une question, oui, de
classe et de contrôle social. Les femmes les plus exposées sont les plus
modestes, les plus démunies, celles qui n’ont le choix qu’entre les grossesses
subies et l’avortement clandestin au risque de leur vie, comme Simone Veil
l’avait dit avec force et émotion devant l’hostilité de sa propre famille
politique. Ne croyons pas, ici, en France, que nous ne soyons plus concernés.
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