dimanche 22 mai 2022

« Gouvernement d’intérim », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité.



«Plus rien ne doit être comme avant», jurait la main sur le cœur Emmanuel Macron, au soir du premier tour de la présidentielle. On allait voir ce quon allait voir, sur le climat, le social finalement livrés à un trio de technocrates dans un gouvernement Borne qui reconduit treize membres du précédent, incarnations de la maltraitance sociale, avec les postes clés laissés aux barons de la droite. Le locataire de l’Élysée jugeait aussi, fut un temps, qu’ «un ministre mis en examen doit démissionner». Éric Dupond-Moretti, qui l’est depuis juillet 2021 pour «prise illégale dintérêts», reste à son poste. Au ministère de lIntérieur, Gérald Darmanin, encore visé par une enquête pour viol, continuera à diriger la lutte contre les violences sexuelles! Quant à Damien Abad, l’ex-chef de la prétendue «opposition de droite», il est nommé ministre des Solidarités, en dépit dun signalement pour des faits présumés de viol adressé à LaREM et LR.

Même la nomination de l’intellectuel Pap Ndiaye, livré sciemment en pâture à l’extrême droite, sonne désagréablement faux. Le penseur du racisme structurel, l’un des plus grands spécialistes français de la condition noire, des violences policières, qu’il n’a cessé d’éclairer avec brio, succède au chasseur de sorcières et sa croisade «anti-woke». Comprendra qui voudra le cynique coup de billard à trois bandes du locataire de l’Élysée

L’essentiel du projet Macron II est ailleurs, dans ce remarquable oxymore formulé par la nouvelle première ministre. Élisabeth Borne défend donc le recul de l’âge de départ à la retraite… pour «poursuivre le progrès social». C’est beau comme du Macron, qui devrait aujourd’hui, lors du premier Conseil des ministres, donner la feuille de route de la casse sociale à venir: retraite à 65 ans, conditionnement du RSA à du travail gratuit, 10 milliards d’économies sur le dos des collectivités locales, nouvelle cure d’austérité quand l’État social s’effondre, que les services d’urgences ferment les uns après les autres…

Heureusement, pour la première fois depuis l’inversion du calendrier électoral, ce scénario n’a rien d’inéluctable. La Nupes rend possibles l’échec de Macron et l’espoir d’ouvrir une nouvelle page de progrès social, le vrai. Cet autre chemin est à portée de vote.

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