Tout est prétexte pour réactiver la polémique identitaire.
Quiproquos. Vu la séquence politique,
franchement, nous aurions pu nous épargner une telle polémique. Alors que
depuis plusieurs mois nous étions – enfin – sortis des thématiques rances et
involutives (identités, sécurité, etc.) au profit des vrais sujets qui
préoccupent les citoyens (salaires, pouvoir d’achat, etc.), nous voilà
subitement replongés dans un bain inutilement bouillonnant. Ainsi, après une
longue trêve, le burkini retrouve une place inattendue dans le débat public et
médiatique, au point de (re)devenir absurdement une «affaire nationale». À
Grenoble, donc, le conseil municipal a décidé que se vêtir à sa guise dans les
piscines serait une ardente obligation qui ne souffrait aucun délai. Très bien,
formidable, pourquoi pas. Le bloc-noteur, qui déteste la police du vêtement,
surtout en République laïque, estime que dans l’espace public chacun a le droit
de se déguiser à sa convenance, puisque tel reste l’esprit de nos ferments.
Petit rappel: dans la ville de M. Piolle, comme ailleurs, nous nous sommes longtemps
satisfaits de la nage en maillot moulant, pour limiter l’étendue du tissu. Des
raisons d’hygiène tout à fait compréhensibles. Autrement dit, le bermuda était
tout autant proscrit que le burkini. Sauf que, depuis quelques années,
l’histoire est terminée. Et les élus de Grenoble ont choisi ce moment-là pour
remettre la question aux avant-postes, et avec elle les sempiternels quiproquos
sur l’islam. La bataille du maillot de bain comme nature profonde des fantasmes
à la française. Comment ne pas le regretter?
Inconcevable. Mais revenons à l’essentiel. Sauf à
considérer que le burkini est un cheval de Troie des islamistes ou des
séparatistes d’un islam ultraconservateur – idée pourtant absurde –, pourquoi
la simple évocation de ce type de maillot suscite-t-elle semblables
commentaires si déplacés que beaucoup perdent raison? Souvenons-nous, par
exemple, que le port du burkini n’est pas, et ne saurait être, aux yeux des
fondamentalistes radicaux autorisé en islam. Les théologiens le rappellent
souvent: pour les croyants musulmans les plus rigoristes, il est plutôt
inconcevable pour une femme de simplement fréquenter une piscine… et encore
moins de s’y mélanger, quelle que soit sa tenue, surtout s’il s’agit d’un
vêtement moulant. Mais alors, où est le problème? Et pourquoi tant de cris de
honte?
Règle. En vérité, tout est prétexte pour réactiver de la controverse
identitaire quand celle-ci paraissait noyée. L’affaire redevient donc
politique. N’y voir aucun hasard. Au soutien de leur délibération, les élus
grenoblois ont eu beau expliquer que la loi de 1905 sur la laïcité était «très
claire» sur le fait de garantir la liberté de porter des signes
religieux dans l’espace public, y compris les piscines. Ils ont même ressorti
l’avis du Défenseur des droits Jacques Toubon et les arrêts du Conseil d’État
de 2016 sur les plages du sud de la France. Toutes ces décisions laissent le
libre choix, à condition de respecter l’hygiène et la sécurité. La règle
s’impose à tous : neutralité des acteurs publics, liberté des citoyens. À ce propos, il est un endroit où les choses se déroulent dans le calme et la sérénité. À Rennes. Oui, des femmes nagent en burkini dans les piscines de la capitale
bretonne depuis que le règlement intérieur de ces équipements a été modifié à
l’unanimité des élus en 2018. Le règlement stipule que les tenues de bain «conformes
aux exigences de sécurité et d’hygiène (…) ne doivent pas avoir été portées
avant l’accès à la piscine». Et tout se passe dans le meilleur des mondes,
sans excès ni haine, sans anathèmes ni disputes. Conclusion: puisqu’il ne
s’agit en rien d’une revendication communautaire, la République n’est pas en
danger. Et maintenant, revenons aux sujets essentiels!
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