À cinq jours du premier tour de l’élection
présidentielle, l’affaire devient sérieuse, inquiétante et mortifère. Après une
longue campagne à bas bruit et en trompe-l’œil, Marine Le Pen entre dans la
ligne droite comme si de rien n’était, en mode « ordinaire », surjouant le calme et l’absence totale de prise de risque, s’installant dans les derniers sondages au plus haut, même lors d’un hypothétique et crispant second tour. Partout, dans le
paysage public et médiacratique,
la « dédiabolisation » puis la « banalisation » de sa personne, de son programme comme de ses idées se sont transformées en « normalisation ». Emmanuel
Macron en personne avoue avoir échoué en ce domaine, et pour cause : de
droitisation en ultradroitisation de sa politique, il n’aura eu de cesse, depuis cinq ans, d’installer sa
meilleure ennemie dans ce futur duel afin d’assurer sa réélection, allant
jusqu’à lui abaisser des ponts-levis stratégiques. À trop souhaiter et désigner
son adversaire, on l’accrédite.
La perspective de vivre un cataclysme antidémocratique
ne provoquerait donc plus la peur et ne serait plus associée au nom de Marine
Le Pen. Soyons sérieux. Sur la forme, la candidate du Rassemblement national a
policé ses discours, apparaissant plus « modérée » qu’Éric Zemmour,
son acolyte maurrassien et pétainiste qui aura servi jusqu’au bout de leurre
afin qu’elle apparaisse plus « acceptable », sinon « fréquentable ». Mais, sur
le fond, le RN reste authentiquement d’extrême droite, en prise directe avec le FN du père. Un parti contraire aux valeurs démocratiques et
républicaines. Le nationalisme xénophobe de Marine Le Pen constitue d’ailleurs
l’une des branches matricielles de l’extrême droite européenne.
De la préférence nationale aux atteintes à la
Constitution et aux droits fondamentaux en tout genre, la menace n’est en rien
un fantasme. Tout pourrait être démembré à l’aune de la discrimination assumée
et de l’inégalité, l’État, les contre-pouvoirs, les syndicats, la laïcité, le
féminisme, etc. Sans parler des droits sociaux ! Car voilà
bien la principale imposture de Marine Le Pen : celle de se revendiquer en candidate « sociale ». En évoquant le « pouvoir d’achat » du matin au soir, elle parle d’abord et avant tout de son éventuel « pouvoir », par lequel
la République serait en danger.
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