jeudi 10 mars 2022

« La logique des armes », l’éditorial de Laurent Mouloud dan l’Humanité.



Quelle qu’en soit l’issue, le conflit en Ukraine restera dans l’histoire de l’Europe un moment clé de rupture stratégique sur le plan militaire. L’invasion par l’armée russe a saisi le Vieux Continent et réveillé chez la plupart des membres de l’Union la nécessité urgente de se lancer dans une course effrénée à l’armement. Le basculement est proprement vertigineux. À commencer par celui de l’Allemagne. Fini la politique de détente initiée dans les années 1970. Le chancelier Olaf Scholz a annoncé une hausse de 100 milliards d’euros (!) de ses dépenses militaires. Même changement de paradigme au Danemark, même envolée budgétaire en Pologne. Et tous, à l’unisson, de réclamer désormais l’avènement rapide d’une Europe de la défense dont Emmanuel Macron se fait le promoteur et qui sera au cœur des discussions du sommet des 27 chefs d’État qui s’ouvre ce jeudi à Versailles.

Le président français peut se frotter les mains. L’escalade des armes et l’affichage d’une politique de sécurité européenne plus musclée font ses affaires politiques à court terme. Et réjouissent les marchands de canons hexagonaux, heureux de ces nouvelles «opportunités commerciales». Mais personne ne doit être dupe. Cette Europe de la défense promue précipitamment au milieu des fracas dune guerre ne sera pas l’outil de souveraineté politique rêvé par certains, ni une garantie de paix. En l’état, elle va se construire sous la tutelle de l’Otan, renforcer la logique de blocs et de riposte. Et précipiter l’UE dans un engrenage militaire reléguant loin derrière les indispensables logiques diplomatiques et de coopération qui doivent venir tôt ou tard dans ce conflit.

Il est difficile de parler de diplomatie et de droit international lorsque pleuvent les bombes. Mais il est toujours plus dangereux de se laisser emporter par la terreur des armes. Car, n’en doutons pas, cette politique du bras de fer militaire fait le jeu de Vladimir Poutine, qui ne peut que se réjouir de voir le «si vis pacem, para bellum» (si tu veux la paix, prépare la guerre) devenir la nouvelle devise européenne.

 

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