Quelle qu’en soit l’issue, le conflit en Ukraine
restera dans l’histoire de l’Europe un moment clé de rupture stratégique sur le
plan militaire. L’invasion par l’armée russe a saisi le Vieux Continent et
réveillé chez la plupart des membres de l’Union la nécessité urgente de se
lancer dans une course effrénée à l’armement. Le basculement est proprement
vertigineux. À commencer par celui de l’Allemagne. Fini la politique de détente
initiée dans les années 1970. Le chancelier Olaf Scholz a annoncé une hausse de
100 milliards d’euros (!) de ses dépenses militaires. Même changement de
paradigme au Danemark, même envolée budgétaire en Pologne. Et tous, à
l’unisson, de réclamer désormais l’avènement rapide d’une Europe de la défense
dont Emmanuel Macron se fait le promoteur et qui sera au cœur des discussions
du sommet des 27 chefs d’État qui s’ouvre ce jeudi à Versailles.
Le président français peut se frotter les mains.
L’escalade des armes et l’affichage d’une politique de sécurité européenne plus
musclée font ses affaires politiques à court terme. Et réjouissent les
marchands de canons hexagonaux, heureux de ces nouvelles « opportunités commerciales ». Mais personne ne doit être dupe. Cette Europe de la défense promue précipitamment
au milieu des fracas d’une guerre
ne sera pas l’outil de souveraineté politique rêvé par certains, ni une
garantie de paix. En l’état, elle va se construire sous la tutelle de l’Otan,
renforcer la logique de blocs et de riposte. Et précipiter l’UE dans un
engrenage militaire reléguant loin derrière les indispensables logiques
diplomatiques et de coopération qui doivent venir tôt ou tard dans ce conflit.
Il est difficile de parler de diplomatie et de droit
international lorsque pleuvent les bombes. Mais il est toujours plus dangereux
de se laisser emporter par la terreur des armes. Car, n’en doutons pas, cette
politique du bras de fer militaire fait le jeu de Vladimir Poutine, qui ne peut
que se réjouir de voir le « si vis pacem, para bellum » (si tu
veux la paix, prépare la guerre) devenir la nouvelle devise européenne.
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