On n’en attendait pas grand-chose, mais on est quand
même déçus. Une gerbe déposée par le préfet Didier Lallement au Père-Lachaise
sur les tombes des victimes, mardi matin. Puis trois phrases, dans un
communiqué lapidaire de l’Élysée. C’est là toute la considération à laquelle
aura droit la commémoration des 60 ans de la tuerie de la station
Charonne, le 8 février 1962. Le chef de l’État évoque une « manifestation
pour la paix et l’indépendance de l’Algérie violemment réprimée par la police : 9 personnes
ont perdu la vie, plusieurs centaines furent blessées ». « Soixante ans après cette tragédie, je
rends hommage à la mémoire des
victimes et de leurs familles », se contente-t-il ensuite de déclarer. Le rôle de l’anticommunisme d’État qui régnait à l’époque ? Celui du
gouvernement ? Circulez, il n’y a rien à voir. Certes, Emmanuel Macron est le premier président de la République à « faire l’effort » de rendre hommage aux victimes. On part de loin. Mais Henri Cukierman, du
Comité vérité et justice pour Charonne, regrette « un premier
pas insuffisant ». « C’est moins
que le service minimum, soupire l’historien Gilles Manceron, membre de la Ligue des droits de l’homme. Il parle d’une répression d’une manifestation. Mais ce n’est pas de canons à eau dont on parle ici. Il y avait des ordres et une
volonté de tuer, en attaquant une foule qui était en train de se disperser. Là,
le rôle de Maurice Papon n’est même pas cité. » Emmanuel Macron avait pourtant brandi l’ex-préfet de
police comme principal responsable lors de la commémoration des massacres du
17 octobre 1961. Ici, pas un mot sur le collabo, pourtant coupable presque
idéal. Encore moins sur sa hiérarchie, c’est-à-dire le ministre de l’Intérieur
Roger Frey ou le premier ministre Michel Debré, alors que les deux hommes
étaient forcément au courant. Sans doute n’y a-t-il rien, aux yeux du pouvoir
macronien, à gagner électoralement à assumer un crime qui a surtout endeuillé
le camp communiste et la CGT. Les familles des victimes attendaient pourtant,
si ce n’est des excuses, au moins une reconnaissance de responsabilité de
l’État. Elles n’auront pour accusé de réception qu’un communiqué gratté à la
va-vite par le service com du palais. Le mépris, tout simplement.
mercredi 9 février 2022
Macron et Charonne : moins que le service minimum Droit de suite
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