mercredi 2 février 2022

« Loin de l’idéal républicain », l’éditorial de Cédric Clérin dans l’Humanité.

 


L’image avait ému à travers le pays. Des files d’étudiants devant les associations de solidarité pour pouvoir se nourrir. Voilà où en est l’université française. Voilà comment on traite les étudiants en France. Évidemment, dans ces conditions, nombre d’entre eux se retrouvent en échec scolaire. Ce mur qui se dresse devant toute une génération aurait dû alerter au plus haut niveau, tant ces situations, inacceptables individuellement, hypothèquent aussi l’avenir du pays.

Le président de la République n’a rien trouvé de mieux, il y a quelques semaines, que de lancer devant les présidents d’université: «On ne pourra pas rester durablement dans un système où lenseignement supérieur na aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants, (…) dans un modèle beaucoup plus ­financé par l’argent public que partout dans le monde.» Le problème ne serait pas le sous-investissement social et matériel dans l’université mais le financement public et la gratuité? Lun et lautre sont pourtant la condition de l’accès du plus grand nombre aux savoirs. On comprend que ce ne soit pas du goût du libéral Macron, qui a la fâcheuse tendance à prendre l’entreprise pour un modèle universel.

C’est d’ailleurs ce que cachent ses propos. C’est bien un enseignement supérieur à plusieurs vitesses que prépare l’exécutif. Déjà, en vingt ans, la proportion d’étudiants inscrits dans le privé a doublé pour atteindre 1 sur 5. C’est énorme. À terme, grandes écoles (aujourd’hui florissantes), universités d’élite financées par le privé (qui choisira les formations) et universités publiques sous-dotées constitueront les trois niveaux d’un système d’enseignement supérieur uniquement tourné vers la compétitivité et les besoins du marché. La plupart des étudiants n’auront, dans le meilleur des cas, accès qu’à une université publique au rabais et donc incapable de remplir sa mission émancipatrice. On dira alors qu’elle est inutile et qu’il faut finir de laisser le privé former les jeunes selon ses besoins. Emmanuel Macron voit donc loin. Mais, l’idéal ­républicain, on en est loin.

 

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