vendredi 11 février 2022

« Destin industriel », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité.



Le mot est désormais sur toutes les lèvres des candidats à la présidentielle: «réindustrialisation». Réveillée par la pandémie de Covid et son lot de pénuries en tout genre (des masques aux respirateurs), la France n’en finit plus de déplorer sa coupable dépendance vis-à-vis des importations étrangères. Métaux, produits chimiques, instruments médicaux… Jamais autant de secteurs clés n’avaient été dans pareille situation. Pour preuve: les derniers chiffres de la balance commerciale tricolore, qui a accusé, en 2021, un déficit de 85 milliards d’euros. Un trou abyssal et historique.

Ce déséquilibre ne date pas d’hier. Voilà une quarantaine d’années que le phénomène de désindustrialisation est en marche, sur fond d’externalisation mondiale, de «flexibilisation» du marché du travail, de baisse des «coûts salariaux» et de financiarisation de l’économie. Lengrenage néolibéral, enclenché depuis les années 1980 et accéléré sous le mandat dEmmanuel Macron, est directement responsable de cette perte de contrôle d’une large part de l’outil de production, engendrant des dégâts sociaux vertigineux mais aussi environnementaux, avec une ampleur qui nous saute aux yeux aujourd’hui.

Ce constat n’empêche pas certains prétendants à l’Élysée, comme Valérie Pécresse, de proposer d’aller plus loin dans la dérégulation. En cédant, par exemple, toutes les participations minoritaires de l’État actionnaire dans les grandes entreprises. Faire reculer le pouvoir de la puissance publique alors qu’il est nécessaire de retrouver une maîtrise de notre destin industriel, voilà une suggestion anachronique qui laisse pantois! La réindustrialisation réclame, au contraire, un retour de l’État dans nombre de secteurs stratégiques tels que les médicaments, l’alimentation ou encore la mobilité. Pour développer une industrie qui garantisse la transition écologique, respecte la voix des salariés et ne détruise plus l’emploi. Cette ambition n’est pas qu’une question de «souveraineté». Cest le visage de notre société de demain qu’il s’agit de dessiner.

 

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