mercredi 12 janvier 2022

« Dignité », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.

 


Précarité économique, cadences infernales – moins de 4 minutes pour faire une chambre et ses sanitaires –, mépris de classe… Et pourtant, la solidarité et l’humanité transpirent à chaque plan. Le film Ouistreham, d’Emmanuel Carrère, adaptation du livre de la journaliste Florence Aubenas, jette une lumière crue sur des invisibles. Ces femmes, qui interprètent leur propre vie, ­racontent la pénibilité, mais aussi l’humiliation. «  On passe à côté de nous, mais, même pas un bonjour, rien ! » témoigne l’une d’elles.

Dans leur histoire, on retrouve les ressorts qui ont conduit au mouvement des gilets jaunes. Cette révolte de la France des ronds-points qui se sent abandonnée, méprisée, abaissée. On reconnaît aussi d’autres invisibles. Ceux qui se sont retrouvés aux côtés des soignants en première ligne, lors des moments les plus difficiles de la pandémie. Celles qui nettoient les chambres, ou qui assurent la caisse des magasins pour nous permettre de continuer à nous nourrir. Ces premiers de corvée qui vident nos ordures ou qui transbahutent des palettes. Ce peuple des invisibles, à qui le pouvoir, du haut de son trône, avait promis une véritable reconnaissance, attend toujours son dû.

En 1862, Victor Hugo écrivait une « phrase-manifeste » en guise de préface aux Misérables : « Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, (…) des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles. » Cela s’applique également à celui de Florence Aubenas et au film qui en a été tiré. Ils montrent la condition et les aspirations du peuple, de ces misérables du XXIe siècle. Ceux de Hugo montaient une barricade. Ceux de 2022 sont poussés vers le factice d’une émeute populiste façon Zemmour. Or, ce dont le pays a besoin, c’est d’une réelle insurrection dans les urnes qui fasse rentrer le peuple à l’Élysée. Après tout, comme l’expliquait déjà Victor Hugo : « Une révolution est un retour du factice au réel. »

 

1 commentaire:

  1. Une injustice totale pour ce monde des invisibles. En effet quand on a grandement besoin d'eux comme durant cette pandémie nos gouvernants leur ont promis une reconnaissance financière, les français les ont applaudi mais le gouvernement a vite oublié ses promesses et les français n'applaudissent plus.

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