vendredi 17 décembre 2021

« La politique quésaco? », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.



« Je ne fais pas de politique. » Comment un président de la République peut-il dire cela ? Affirmer que « les candidats font de la politique, c’est normal », mais pas lui, en donne une dimension purement électoraliste et politicienne, déconnectée de l’exercice du pouvoir. Macron la ravale au rang de belles paroles, de surenchères de promesses démagogiques et de mensonges politiciens. Si même le président de la République assume cette conception de la politique, comment être surpris que les citoyens s’en détournent ? Comment s’étonner de la crise démocratique et des records d’abstention ?

Ce n’est pas parce que le locataire de l’Élysée est censément au-dessus des partis politiques qu’il ne fait pas de politique. Cette nouvelle petite phrase d’Emmanuel Macron, en plus d’abîmer la politique pour des raisons tactiques, vise également à « dépolitiser » le pouvoir. Le chef de l’État, en bon technocrate, voudrait nous faire croire que son exercice relève du pragmatisme. En conséquence de quoi, il n’aurait pas d’autres caps à suivre, ni d’autres choix possibles. Les seuls sujets de débats autorisés porteraient sur le rythme ou l’ampleur de réformes « obligées ». Dans ce scénario, quiconque propose une autre politique ne le fait qu’à des fins électoralistes ou idéologiques détachées de la réalité.

Cette disqualification du débat politique vise à affaiblir les autres candidats, et casser l’idée de la crédibilité d’une alternative à la société capitaliste. « Le peuple ne plaît jamais davantage » aux puissants « que les yeux a demi fermés, la bouche muette, l’intelligence passive et détachés des grands intérêts nationaux (…) », écrivait Jaurès. Lorsqu’on disqualifie l’espoir, la colère prend le chemin de la haine. Lorsqu’on abaisse la politique, on abîme la démocratie. 

 

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