vendredi 19 novembre 2021

« Clair-obscur au Chili », l’éditorial de Cathy Dos Santos dans l’Humanité.



L’incroyable élan populaire qui a ébranlé le Chili à l’automne 2019 se traduira-t-il dans les urnes ?

C’est là l’une des inconnues des élections générales de dimanche. La rébellion sociale, qui couvait depuis tellement d’années, avait alors dressé un terrible réquisitoire contre l’orthodoxie libérale héritée du dictateur Pinochet, qui avait fait de ce pays un laboratoire. Le modèle économique consacrant le marché libre et l’effacement de l’État avait même été inscrit jusque dans la Constitution.

À la faveur de cette révolte systémique, une convention a vu le jour en juillet avec pour finalité de rédiger un nouveau texte fondamental, afin de corriger un mal béant : les inégalités sociales. C’est d’ailleurs la principale préoccupation des Chiliens, qui demandent une meilleure redistribution des richesses et une fiscalité plus progressive, selon une enquête de l’OCDE publiée ce 18 novembre. Mais rien n’est écrit d’avance. Les possibles qualifications au second tour de la présidentielle de Gabriel Boric, député de gauche et figure de proue du mouvement estudiantin de 2011, et de José Antonio Kast, nostalgique du pinochétisme et représentant de l’extrême droite, en sont l’illustration.

La société chilienne est grosse de frustrations sociales et citoyennes. Le soulèvement de 2019 a cristallisé les aspirations à un État plurinational respectueux des identités, de l’égalité de genre et de la justice sociale. Il a aussi crispé une frange de la population que l’on a biberonnée à l’ordre et à la sécurité. On n’efface pas d’un coup de gomme le formatage des consciences auquel s’est livrée la dictature sanguinaire pendant plus de trois décennies.

À la manière de Bolsonaro et consorts, Kast s’est imposé comme l’homme fort à même de protéger l’existant et la tradition face à la demande de bouleversements structurels. Il a su jouer avec les scandales de corruption qui éclaboussent le président de droite sortant, Sebastian Piñera, la machine à fake news et les délires médiatiques contre le danger du « castro-communisme » qu’incarnerait Boric. Le Chili se meut dans ce clair-obscur.

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