J’avais suffisamment fréquenté les gens du monde « pour savoir que
ce sont eux les véritables illettrés et non les ouvriers électriciens », écrivait
Marcel Proust, dans le Temps retrouvé. Il évoquait aussi ce
qu’on appellerait aujourd’hui le populisme en littérature, qui s’adresserait
davantage, disait-il, « aux membres du Jockey Club qu’à ceux de la
CGT ». Qu’en est-il quand un démagogue fascisant se met en devoir de
complaire aux milieux populaires en prônant la suppression du permis à points,
etc. Boire, fumer, conduire vite… Que demande le peuple ? Sous le couvert de
défendre les plus modestes, c’est le même mépris que celui de cet ancien
porte-parole du gouvernement pour qui les manifestants des ronds-points étaient
ces Français « qui fumaient des clopes et roulaient au diesel ». Les
mêmes devant qui on agite les chiffons frelatés de l’immigration avec toutes
ses déclinaisons. Et quelle est cet autre mépris qui amène le premier ministre
et le président de la République à répondre aux attentes du pays en termes de
pouvoir d’achat en signant un chèque de 100 euros. Circulez, votez…
Il était question de bien autre chose, hier, avec notre invitée, la
réalisatrice Catherine Corsini, parlant des réponses d’autres pays comme
l’Espagne sur cette question avec une baisse des taxes, avec des prélèvements
sur les bénéfices des entreprises quand, en France, « c’est la carotte
et le bâton ». Quand elle parlait aussi de l’une des actrices de son
film, aide-soignante dans le réel. Calme, attention, générosité, intelligence,
comme autant de manières, disait-elle, « d’amener une vérité », au
regard de tant de discours tissés de mensonges… Cette vérité, c’est aussi celle
de notre reportage, près de Dieppe, sur un rond-point : « Si on ne se
bat pas maintenant, nos enfants vont manger quoi ? »
Soyons lucides. On sait
bien que la pollution des esprits peut s’étendre dans toute la société, comme
une nappe toxique. Les mots de Catherine Corsini à propos de son film et les
combats politiques à venir nous invitent à redonner sens à ceux du partage, de
l’humanisme vrai, en rejetant les mensonges et la haine.
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