mercredi 27 octobre 2021

« Les mots », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité.

 


J’avais suffisamment fréquenté les gens du monde « pour savoir que ce sont eux les véritables illettrés et non les ouvriers électriciens », écrivait Marcel Proust, dans le Temps retrouvé. Il évoquait aussi ce qu’on appellerait aujourd’hui le populisme en littérature, qui s’adresserait davantage, disait-il, « aux membres du Jockey Club qu’à ceux de la CGT ». Qu’en est-il quand un démagogue fascisant se met en devoir de complaire aux milieux populaires en prônant la suppression du permis à points, etc. Boire, fumer, conduire vite… Que demande le peuple ? Sous le couvert de défendre les plus modestes, c’est le même mépris que celui de cet ancien porte-parole du gouvernement pour qui les manifestants des ronds-points étaient ces Français « qui fumaient des clopes et roulaient au diesel ». Les mêmes devant qui on agite les chiffons frelatés de l’immigration avec toutes ses déclinaisons. Et quelle est cet autre mépris qui amène le premier ministre et le président de la République à répondre aux attentes du pays en termes de pouvoir d’achat en signant un chèque de 100 euros. Circulez, votez…

Il était question de bien autre chose, hier, avec notre invitée, la réalisatrice Catherine Corsini, parlant des réponses d’autres pays comme l’Espagne sur cette question avec une baisse des taxes, avec des prélèvements sur les bénéfices des entreprises quand, en France, « c’est la carotte et le bâton ». Quand elle parlait aussi de l’une des actrices de son film, aide-soignante dans le réel. Calme, attention, générosité, intelligence, comme autant de manières, disait-elle, « d’amener une vérité », au regard de tant de discours tissés de mensonges… Cette vérité, c’est aussi celle de notre reportage, près de Dieppe, sur un rond-point : « Si on ne se bat pas maintenant, nos enfants vont manger quoi ? »

Soyons lucides. On sait bien que la pollution des esprits peut s’étendre dans toute la société, comme une nappe toxique. Les mots de Catherine Corsini à propos de son film et les combats politiques à venir nous invitent à redonner sens à ceux du partage, de l’humanisme vrai, en rejetant les mensonges et la haine.

 

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