L’humoriste et homme de
théâtre rend un hommage à son gorille préféré – dont on célèbre le
centenaire de la naissance ce vendredi 22 octobre –, dans un disque et un
spectacle réalisés avec Yolande Moreau. ENTRETIEN.
« Pom pom pom pom pom… » Pourquoi ces petites notes résonnent-elles encore
de manière si tenace entre certaines oreilles d’aujourd’hui ?
FRANÇOIS MOREL : Pour mon
spectacle, je commence plutôt comme cela : « Pom pom pom pom pom… »,
mais c’est l’idée ! Oui, en effet, c’est tenace mais enfin, surtout pour des
gens de mon âge et même plus âgés que moi. À l’époque, quand je découvrais
Brassens, les gens de ma génération étaient plutôt intéressés par les chanteurs
anglo-saxons. Mais il traverse les époques parce qu’il était simplement
accompagné d’une guitare ou deux et la contrebasse de Pierre Nicolas. Cela fait
un truc qui ne vieillit pas vraiment. Certaines chansons de son temps avec plus
d’orchestrations sont devenues un peu inaudibles. Mais son côté classique était
déjà intemporel au moment où il chantait.
Qu’est-ce qui vous a amené à vouloir réaliser, avec Yolande Moreau, un
spectacle et un disque sur, ou plutôt avec, Brassens ?
FRANÇOIS MOREL : C’est notre
goût, tout simplement, qui nous a guidés. On a essayé plein de choses avec
Yolande. On s’est enfermés dans un studio pendant une semaine et puis on est
allés vers ce que l’on aimait le plus mais aussi en choisissant, en tant que
comédiens, de mettre plutôt en valeur les textes. On a pris des chansons qui
pourraient être vues comme des histoires, des petites scènes, des petits
moments de théâtre.
Brassens, quant à son engagement, évoquait le fait que celui-ci passait en
« contrebande » dans ses chansons. Qu’en pensez-vous ?
FRANÇOIS MOREL : En effet, il est
très engagé mais je trouve qu’il est meilleur quand il a des engagements plus
larges que directement sur la politique. La politique au jour le jour ne devait
pas tellement l’intéresser. Je crois qu’il était plus souvent avec François Villon
qu’avec François Fillon ! Ou l’équivalent à son époque. Dans le journal de René
Fallet, Brassens est présent à toutes les pages et on voit bien que pour lui,
l’engagement, comme celui de Ferrat par exemple, c’est quelque chose de
lointain. En même temps, Brassens s’est engagé contre la peine de mort. Avec
des chansons comme le Gorille par exemple, un plaidoyer contre
la peine de mort
Beaucoup de chansons de Brassens sont des chansons humoristiques. Un point
commun avec vous ?
FRANÇOIS MOREL : Oui, un humour
fou ! Un humour insensé ! Beaucoup de gens allaient l’écouter à Bobino aussi
pour rire. Quelquefois, il fait de l’humour un peu potache. Dans Misogynie
à part, il imagine sa partenaire en train de citer du Claudel pendant
l’acte. C’est vraiment un truc de gamin ! Il fait rigoler avec des bêtises. Il
y a aussi un humour qui est immédiatement contrebalancé par la mélancolie.
L’humour de Brassens est toujours le résultat d’un travail bien fait et
d’un artisanat admirable. Cela peut faire passer n’importe quoi. Son travail
sur la forme littéraire est tellement enraciné qu’il y a aussi d’autres valeurs
qui passent. Sans agressivité. Plutôt l’amour et un respect absolu pour les
gens. Tout le contraire du mépris. Et puis, dans son petit music-hall
intérieur, Brassens ne cherche jamais à dire des choses définitives. Il ne
généralise jamais. Il parle toujours d’individus. Il faut savoir lire et
entendre entre les lignes. Par ailleurs, même dans l’humour, c’est le poète des
humbles. Quand il touche aux sentiments, comme dans Chanson pour
l’Auvergnat, c’est à pleurer. Comment être digne face à la violence du
monde ? C’est toujours ce qu’il met en avant.
► « Brassens dans le texte », un album de Yolande Moreau
et François Morel (Universal Music Division Label Panthéon).
Brassens dans le texte
Dans Brassens
dans le texte (Fontana), François Morel et Yolande Moreau font vibrer
les mots de Brassens sur des arrangements d’Antoine Sahler. Avec beaucoup de
belles surprises comme la mise en parallèle du Verger du roi Louis et
de Strange Fruit de Billie Holiday. En scène ce vendredi et
samedi à Sète pour le spectacle Brassens a 100 ans, François Morel et
sa « bande à part », dont Juliette, seront les 25 et 26 octobre à
Montpellier et les 27 et 28 octobre à Narbonne.
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