Le secret de la confession et la République…
Leurre. Les lois de la
République ont-elles quelque chose à voir avec celles du droit canon? En somme,
doit-on mélanger le spirituel et le temporel pour mesurer – dans toutes ses
acceptions – l’ampleur de la polémique après les propos surréalistes d’Éric de
Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, selon
lequel le secret de la confession est «plus fort que les lois de la
République»? Beaucoup ont cru, au moment de cette déclaration, à un «dérapage» sinon
à une «maladresse» langagière. Ne soyons pas naïfs. Le
présupposé ainsi énoncé par l’homme d’Église ressemble, en vérité, à un leurre
jeté à la conscience de toute la société dans un moment où l’épiscopat se
trouve débordé et directement menacé par les terrifiantes révélations du
rapport Sauvé, qui a constitué un véritable choc. Le nombre de mineurs victimes
d’agressions sexuelles par des prêtres, des diacres et des religieux depuis
1950 s’élève à 216 000. Un «phénomène massif», un «caractère
systémique». D’autant que la macabre statistique grimpe à 330 000, un
chiffre probablement en deçà de la réalité, si nous ajoutons les personnes
agressées par des laïcs travaillant dans des institutions de l’Église
(enseignants, surveillants, cadres de mouvements de jeunesse, etc.).
Vertigineux…
Secret. Faut-il comprendre
que, pour l’épiscopat, un prêtre catholique pourrait être exempté du suivi des
lois de l’État au nom du respect des lois de sa religion? Le bloc-noteur ne le
sait que trop: pour un croyant, il existe bel et bien une «autorité» divine ou
transcendante qui dépasse de loin toutes les institutions humaines, même en
République. D’ailleurs, le législateur et la justice ont depuis longtemps
examiné cette question épineuse, assez inextricable, celle du secret de la
confession impossible à transgresser – du moins pour les intercesseurs de Dieu.
Ils le tiennent même pour un secret professionnel, au même titre que celui des
médecins, avocats, etc., lui donnant un cadre et des limites dont les
nombreuses lois et jurisprudences se perdent dans l’histoire tant elles restent
sujettes à interprétation. Car le signalement, autrement dit la dénonciation,
est toujours possible quoique soumis aux aléas des époques : parfois le secret
impose le silence ; d’autres fois, il permet le signalement. Soyons précis. La
loi française (article 434-3 du Code pénal) punit la non-dénonciation aux
autorités judiciaires de certains crimes et délits. Mais, dans l’article en
question, il est toutefois précisé que des exemptions potentielles existent, en
particulier pour les personnes… astreintes au secret. D’où la question
fondamentale: peut-on, doit-on accepter une autorité suprême au-dessus de nos
lois républicaines, à savoir Dieu? Grotesque suggestion, dès que la raison
l’emporte. Comment croire (sic), en effet, que les catholiques et leurs
représentants parviennent à nous convaincre que la règle du secret de la confession
est le résultat d’une autorité divine – non contestable – qui doit
mécaniquement s’imposer à la loi commune?
Victimes. Si Éric de
Moulins-Beaufort avait voulu rassembler autour de l’épiscopat les catholiques
les plus traditionnels, c’est-à-dire ne pas perdre les plus «classiques»
d’entre eux en pleine tourmente, il ne s’y serait pas pris autrement, quitte à
opposer un bloc anti-religions à un autre bloc pro-religions prêt à affronter
l’État. Pari risqué: opposer lois de Dieu et lois de la République relève ni
plus ni moins d’une conception archaïque du christianisme. Oublions donc l’idée
d’une divinité législatrice, puisque l’enjeu se trouve ailleurs. Il concerne
l’Église de France et son attitude, désormais, face aux centaines de milliers
de victimes de violences sexuelles passées et peut-être à venir. Même les
croyants admettront que ce sont les autorités religieuses – et non Dieu! – qui
n’ont pas réussi à prévenir la pédocriminalité au sein de leur institution. Dès
lors, jusqu’à quel point tolérer une pratique, le secret de la confession, dont
l’un des effets nous a été clairement révélé? «J’ai vu le mal le plus
absolu», a déclaré Jean-Marc Sauvé, responsable de la commission
indépendante sur la pédocriminalité dans l’Église catholique, en rendant son rapport.
Le voilà, le vrai sujet…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire