L’exposition « Hugo et
ses dessins. Dans l’intimité du génie », à la Maison Victor-Hugo, nous
invite à découvrir la vie et les émotions de l’artiste à travers 200 pièces
d’exception.
Poète, romancier, dramaturge, homme politique, Victor Hugo est aussi l’un
des dessinateurs les plus fascinants du XIXe siècle. Il en laisse à sa mort
plus de 3 500, qui ne sont ni datés ni titrés. L’exposition que lui consacre
« sa » maison se révèle un écrin idoine pour les admirer.
« Du pittoresque »
Dans les années 1830, âgé de 27 ans et père de cinq enfants,
l’écrivain est un dessinateur amateur qui offre ses productions à ses proches.
En 1833, il rencontre Juliette Drouet, la maîtresse de sa vie et la compagne de
tous ses voyages. Le dessin devient alors son alibi.
Trois ans plus tard, le peintre et graveur Célestin Nanteuil se joint à lui
lors d’un voyage d’été et Hugo s’imprègne de sa technicité artistique. Jusqu’en
1843, ses dessins, réalisés à l’encre et au fusain, sont de plus en plus
élaborés. « C’est presque de l’ordre du pittoresque », estime
Gérard Audinet, directeur des Maisons Victor-Hugo à Paris et à Guernesey.
Entre deuil et crépuscule
Lorsque sa fille Léopoldine meurt, noyée dans la Seine, le 4 septembre
1843, Hugo n’aura la force de se rendre sur sa tombe que trois ans plus tard.
Il entreprend alors une série de dessins de la Seine. Lors de l’été 1847, il
œuvre beaucoup et se détache des conventions classiques. Son assemblement de
fusain, d’encre et de crayon lithographique fascinera, un siècle plus tard, les
artistes du surréalisme mais, « Victor Hugo reste un artiste du XIXe siècle », précise
Gérard Audinet. Entre deuil et crépuscule, ses pièces dégagent une certaine
dramaturgie, semblable à celle de ses écrits poétiques.
Se percevant comme un prophète, il dessine l’apôtre saint Paul seul, au
milieu d’un monde en ruine, sorte d’autoportrait par procuration.
L’année 1850 est une année difficile pour l’homme politique. Lui qui
siégeait à droite et soutenait Napoléon III rompt avec son parti. Son monde
s’écroule. Le dessin lui permet alors une autre exploration de ses émotions et
de son imagination. Se percevant comme un prophète, il dessine l’apôtre saint
Paul seul, au milieu d’un monde en ruine, sorte d’autoportrait par procuration.
Son combat contre la peine de mort
Alors qu’il est désormais un des plus grands opposants de l’empereur,
Victor Hugo est contraint à l’exil en 1851. Sur l’île de Guernesey, voisine de
l’île Jersey où Hugo a trouvé refuge, John Charles Tapner est condamné à mort
en 1854. Par l’art, il poursuit son combat contre la peine de mort et
réalise Ecce Lex (le Pendu).
Revenu en France lorsque la République est proclamée, Hugo dessine une
série étonnante de portraits aux traits fermes, à la limite de l’automatisme.
En réalité, ses images sont un récit où l’artiste, influencé par ses combats
politiques, retrace un procès en sorcellerie. L’unique croquis d’espoir est
celui d’une Petite Fille dans la foule (qui ne comprend pas).
Un esprit libre
Ses derniers dessins signent l’apogée de sa prouesse artistique. Victor
Hugo joue sur la transparence et la luminosité. « C’est le signe d’une
grande qualité et liberté », explique le directeur du musée. « Cela
ne ressemble à rien de ce qui se faisait à l’époque », poursuit-il.
Ils sont le symbole de plusieurs deuils : le deuil de la guerre
franco-prussienne, le deuil de la Commune et le deuil de son fils, décédé le
13 mars 1871. Vianden à travers une toile d’araignée, dessiné
cinq mois après la mort de son fils, est d’ailleurs surnommé par l’artiste
« Vraie Besogne d’un 13 ».
L’exposition donne un
bel aperçu du talent d’un homme qui n’a jamais cessé d’écrire et de dessiner,
un homme d’engagement, un esprit libre dont l’œuvre picturale témoigne de sa
personnalité, de son intimité et de ses combats.
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