jeudi 2 septembre 2021

Éducation. Une rentrée sous le signe de l’appréhension



Règles sanitaires incohérentes face au variant Delta, manque de moyens pour parer aux conséquences scolaires et sociales de la crise.

« J'ai rencontré plein de professeurs contents ! » avait osé Jean-Michel Blanquer le 26 août, lors de sa conférence de presse de rentrée. Qu’il se réjouisse : des ­professeurs – et des élèves, et des parents d’élèves – contents, on en trouve à foison. Parce que c’est la rentrée, et que l’école occupe à ce point une place centrale dans la vie des uns et des autres que la voir reprendre est toujours une joie, qui, cette année, se teinte de très sérieuses inquiétudes.

Protocole dégradé et vague promesse

Après les syndicats, qui appellent à une première journée de mobilisation le 23 septembre et dénoncent de façon à peu près unanime les incohérences, le manque de préparation de cette rentrée et l’insuffisance probable des mesures sanitaires qui l’encadrent, les parents et élèves qui ont accepté de témoigner pour l’Humanité le confirment. Ils souhaitaient des mesures sanitaires à la hauteur de la menace représentée par le variant Delta ? Ils n’auront qu’un protocole ­dégradé, assorti d’une vague promesse d’aider les collectivités locales à équiper les établissements de détecteurs de CO2 – dont l’utilité est avérée depuis bien plus d’un an. Cela alors qu’en pleine crise Jean-Michel Blanquer a rendu au budget de l’État 600 millions d’euros non utilisés. Ils réclamaient, comme la FCPE (première fédération de parents d’élèves), des embauches massives d’enseignants et d’autres personnels pour combattre les inégalités scolaires, faire des demi­-groupes, répondre aux besoins des élèves en difficulté ? Le ministre, qui détricote l’éducation prioritaire, a décidé de supprimer près de 1 900 postes dans le secondaire : l’équivalent de la fermeture de 166 collèges, alors que les effectifs élèves sont en croissance continue. Ils avaient besoin d’un soutien économique pour faire face aux difficultés engendrées par la crise ? Ils ont eu une polémique, honteuse et mensongère, sur l’allocation de rentrée scolaire. Le ministre revendique la joie de la rentrée. Mais que lui doit-elle ?

 

Témoignage

« L’avenir fait plus peur que le covid »

LUCAS VALENZUELA 16 ans, lycéen en terminale, Montreuil (Seine-Saint-Denis)

«Je ne me suis pas trop posé la question de la rentrée. La période ne me donne ni envie d’aller en cours, ni de ne pas y aller. L’année dernière a été difficile avec le Covid, j’ai l’impression que les profs sont complètement dépassés. Ils doivent nous gérer, nous et le virus. Ils sont totalement perdus. L’an dernier, déjà, c’était bizarre avec des cours en demi-jauge. Ils devaient préparer doublement les cours. Nous, on devait suivre une année entière avec moitié moins de cours. C’était compliqué : la première semaine, on n’avait aucun devoir, rien à faire, et la semaine suivante, des contrôles quasi tous les jours. J’exagère à peine. Et puis, mes copains et moi, on était tous fatigués. Travailler, réviser a été plus compliqué qu’avant. Difficile de se motiver tout seul. Il faut s’accrocher aux cours, ne compter que sur soi. Je n’ai jamais aussi peu travaillé sur une si grande période. C’est devenu compliqué de se mettre au bureau, de faire ses devoirs, de garder un rythme de travail. On n’a pas vraiment été accompagnés. Que le prof soit bon ou pas, on a l’impression que ça ne repose que sur nous. Cette année, j’étais moins proche des profs. Je ne sais pas si c’est dû au Covid. J’ai super peur en fait pour la fin de l’année avec Parcoursup : je devrai rentrer des notes dans un ordinateur, et lui va décider si je continue dans un endroit bien ou pas. En plus, je ne sais pas du tout ce que je vais inscrire comme vœux. Je ne sais pas ce que j’ai envie de faire plus tard. Tout va se jouer à la fin de l’année et ça fait peur. En fait, c’est plus grand que le Covid. Autour de moi, on est très nombreux à ne pas savoir où on va. Beaucoup de métiers qui n’existent pas encore vont être créés plus tard. Je vais sûrement faire plein de boulots, dans des branches différentes, d’une entreprise à l’autre. Ça complique les choix à faire aujourd’hui. Je suis très polyvalent, je suis plutôt bon un peu partout, mais je ne sais pas par où commencer. Là, c’est la rentrée, on va voir ce qui se passe, ce qui vient. Je préfère ne pas me prendre la tête. La fin de l’année est déjà assez flippante. »

 

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