Le dernier album de Louis Chedid est un hymne à l’amour. « J’ai choisi d’écrire des chansons pour soigner mes incertitudes, mes déchirements », confie-t-il à l’Humanité-dimanche. Il sera en septembre à La Courneuve. On a hâte.
Louis Chedid revient à la Fête de l’Humanité,
cette fois pour revisiter des titres de son dernier disque, « Tout ce qu’on
veut dans la vie », avec sa belle équipée formée de David Monet (claviers),
Jean-François Prigent (guitare), Matthieu Aschehoug (basse, contrebasse,
guitare) et Mathias Fish (batterie). Il nous offrira également un collier de
ses classiques, comme « Ainsi soit-il » ou « Anne, ma sœur Anne ».
En ce 21e album studio dédié à l’amour – dans le sens le plus
large –, on retrouve la sensibilité à fleur de cœur qui jamais ne s’est
émoussée chez l’auteur, compositeur, interprète, écrivain et réalisateur
français d’origine libanaise. Il nous chante, presque à l’oreille, ses rêves
d’un autre monde, la nécessité de laisser les machines à leur place et de
replacer l’humain au centre de la société, au centre de nos préoccupations.
Louis Chedid a préservé, avec une rare densité, ce que Claude Nougaro appelait
« l’art de l’enfance ».
«La Fête recèle une emblématique dimension populaire. L’esprit de
solidarité que j’y perçois me touche ».
Quels souvenirs gardez-vous de votre dernier passage à la Fête de l’Humanité ?
Je me suis produit à cette grande fête en 2015 avec mes enfants, dans le
sillage de l’album que j’avais enregistré avec eux, Louis, Matthieu, Joseph et
Anna Chedid. C’était le dernier concert de notre tournée. Nous avons partagé
un véritable plaisir, aussi bien entre nous qu’avec le public, particulièrement
chaleureux. Il y a quelque chose de plus à la Fête de l’Huma que
dans les festivals habituels. Elle recèle une emblématique dimension populaire.
L’esprit de solidarité que j’y perçois me touche.
Comment avez-vous abordé la conception de « Tout ce qu’on veut dans la
vie » ?
Je m’y suis mis sans stress et, même, de façon ludique, dans le calme
inspirant du Vaucluse. Le label Atmosphériques, qui avait publié un certain
nombre de mes disques, a dû fermer en 2015. Il n’y avait pas d’urgence pour
moi. Je ne savais même pas avec quels musiciens j’allais travailler. J’éprouve
toujours un plaisir énorme à écrire des chansons. Je n’en ai jamais d’avance
dans ma besace. Je les laisse venir à moi, comme une hirondelle qui viendrait
se percher sur mon imaginaire.
Comment un thème surgit-il en vous, par exemple pour la douce et intimiste
« Ne m’oubliez pas » ?
J’ai la conviction que les défunts sont quelque part autour de nous.
J’évoque un proche que j’ai perdu et qui dit : « Ne m’oubliez
pas / Si vous me cherchez / Vous me trouverez / Tapi dans vos
pensées / D’amour et d’amitié ». Dans une société où tout va très vite
et qui fait de l’obsolescence programmée un mode de production et de
fonctionnement, je trouve essentiel de perpétuer la mémoire de nos défunts.
L’acte de création est un exutoire, une thérapie.
Vous avez commencé à créer pour soulager vos fêlures intérieures ?
Oui, j’ai choisi d’écrire des chansons pour soigner mes incertitudes, mes
déchirements. Lorsque j’étais un petit garçon, j’étais introverti, très timide.
Quand un prof m’interrogeait, je clignais parfois des yeux tant ça me glaçait.
J’étais mauvais élève, je n’arrivais pas à m’intégrer dans le système scolaire,
j’étais réfractaire à l’autorité. J’appartiens à une génération où on vous
donnait des baffes si vous ne vous soumettiez pas au règlement, à la
discipline, aux injonctions du type « il faut étudier ça, et ça, et encore
ça ». Je ne pigeais rien aux mathématiques, je ne comprenais pas en quoi ça me
serait utile. J’adorais lire. J’ai dévoré « Alger », de Guy de Maupassant, et
des livres de Balzac, de l’auteur anglais A. J. Cronin, de l’écrivain
australien Morris West, de Dostoïevski, Alexandre Dumas, que je lis encore
aujourd’hui, etc. La littérature, ça m’a sauvé.
Le fait que votre maman, Andrée Chedid, soit écrivain vous a-t-il
influencé ?
Oui, d’une certaine manière. Très jeune, je me suis retrouvé avec une
bibliothèque riche et diversifiée à la maison. J’ai pioché dedans et me suis
ainsi construit une culture.
Et la poésie ?
Bizarrement, je n’ai pas trop approfondi dans cette voie, à l’époque. Pour
moi, c’était une matière scolaire, avec des contraintes que je ne comprenais
pas : il fallait apprendre la poésie par cœur au lieu de prendre le temps de la
découvrir par des chemins buissonniers et d’apprendre à l’aimer. Dans la
littérature, ce qui me plaisait, c’était que l’auteur me racontait des
histoires, avec des personnages qui évoluaient au fil des pages. Ça me
passionnait, je lisais les romans comme des thrillers. Il me semble que c’est
ce plaisir que j’ai retrouvé dans les chansons : raconter des histoires.
Votre père vous a-t-il transmis quelque chose de spécial ?
Mon père, scientifique, était un être curieux, ouvert. Il avait acheté une
guitare. Un jour, alors que j’étais allé chercher quelque chose à la cave, j’ai
vu la guitare, je l’ai montée dans ma chambre. Il ne lui restait que quatre des
six cordes. J’ai essayé d’en jouer par moi-même. Je l’ai explorée, à l’oreille.
J’avais 12 ans. Petit à petit, je me suis senti davantage à l’aise à la
guitare, et dans la vie aussi. La guitare est devenue à la fois mon amie et mon
bouclier. Grâce à elle, je trouvais enfin ma place dans le monde.
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