mercredi 21 juillet 2021

« Il y a de quoi être paranoïaque, on s’acharne contre nous »



Cécile Rousseau

Alyson Hottua, 43 ans, et Cendrine Crebassa, 47 ans, toutes deux musiciennes et intermittentes du spectacle, déplorent l’avalanche d’attaques contre le secteur de la culture.

Au cœur de la belle saison, une mélodie intranquille se fait entendre. En Nouvelle-Aquitaine, Alyson Hottua, violoniste supplémentaire à l’Orchestre national de Bordeaux Aquitaine (Onba), et Cendrine Crebassa, interprète et multi-instrumentiste dans des formations rock, ont accueilli la mise en œuvre du passe sanitaire dans la culture ce 21 juillet comme une attaque supplémentaire portée à ce secteur sinistré. « Il y a de quoi être paranoïaque, on s’acharne contre nous », déplore la chanteuse, qui a participé aux occupations des lieux culturels à Pau (Pyrénées-Atlantiques) au printemps dernier. De son côté, la concertiste bordelaise estime « avoir pris un sacré coup depuis le début de la pandémie. Être intermittent, c’est une prise de risque. On ne reste pas les doigts de pied en éventail ».

Des concerts en sourdine

Dans le monde du classique comme dans celui des bals populaires, le travail n’a pas redémarré en fanfare. Pour Cendrine, les mois de juillet et d’août s’annoncent même pires que l’an dernier. Son groupe, qui interprète des reprises de AC/DC ou des Rita Mitsouko, risque de passer plus de temps en sourdine. « Durant l’été 2020, nous avions retrouvé 70 % de notre activité en tournant dans les campings et les fêtes locales, se remémore-t-elle. Pour 2021, les campings ne veulent pas programmer des musiques qui font danser pour éviter les contaminations. Avec l’entrée en vigueur du passe sanitaire, nous avons eu des annulations. D’autres endroits ont choisi de ne pas respecter les consignes. Nous n’avons pas encore croisé de gérants qui comptaient appliquer à la lettre ces mesures… » Face à la pénurie, Alyson accepte, elle aussi, tout travail proposé : « Je me suis fait vacciner pour pouvoir jouer en septembre, même si on ne sait pas ce qui va se passer. » Parfois contactée au pied levé pour remplacer des concertistes malades, la violoniste doit être au top en permanence. « Si vous ne faites pas le taf, on ne vous rappelle pas. Je joue dans un quatuor le 20 août. Nous avons un peu perdu l’habitude de faire des représentations en formation réduite devant des gens. »

La partition de la fermeté d’Emmanuel Macron a fait résonner les angoisses. Le traumatisme du premier confinement n’est pas digéré chez les deux artistes. Alyson avait mis à profit ce temps pour préparer un diplôme d’État de professeur de violon. Cendrine avait, elle, donné nombre de bœufs depuis sa terrasse. Lors du deuxième confinement, la musicienne classique avait pu participer à des concerts retransmis sur Facebook ou sur Radio Classique « Mes employeurs ont su trouver des alternatives. J’ai beaucoup de reconnaissance pour cela. Ils savent que nous avons souffert. Mais sans public, sans applaudissements, ce n’est pas pareil. Nous sommes un métier de partage. Jusqu’à preuve du contraire, il n’y a jamais eu de cluster dans les salles de spectacle. Les places sont numérotées. Les gestes barrières sont respectés. Même au plus fort de la crise, celles de San Sebastian (au Pays basque espagnol – NDLR) sont restées ouvertes », souligne-t-elle.

De Bordeaux à Pau, les cachets ont pris du plomb dans la caisse. Grâce au prolongement de l’année blanche jusqu’au 31 décembre, Alyson et Cendrine devraient réussir à garder leur statut d’intermittente in extremis en réalisant les 507 heures. Mais le montant de leur indemnité va baisser. La première estime qu’elle perdra jusqu’à 300 euros par mois lors de sa prochaine ouverture de droits, la seconde verra le montant chuter de 120 ou 150 euros. La rockeuse, qui est aussi syndiquée au Snam-CGT (organe représentant les musiciennes et musiciens), ne comprend pas pourquoi aucun plan de relance de la culture n’est sur la table. « Dix millions supplémentaires ont été octroyés aux GIP cafés-­ cultures afin d’aider les employeurs de ce secteur, qui a aussi bien morflé avec la pandémie. Mais le décret d’application n’est toujours pas sorti ! Qu’est-ce que le gouvernement attend pour le mettre en place ? J’ai vraiment peur que l’intermittence du spectacle disparaisse. Il va aussi falloir remonter au créneau contre la réforme de l’assurance-chômage. »

 

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