À neuf mois de sa fin de
mandat, le chef de l’État renforce la lutte contre le Covid-19, avec la
vaccination obligatoire des soignants et l’extension du passe sanitaire. Des
décisions prises pour « bloquer le virus », avec pour ligne de mire la
poursuite de la reprise économique.
Le plan devait se dérouler sans accroc avec une intervention
présidentielle « avant le 14 juillet », annoncée de
longue date, pour dérouler la feuille de route de la fin du quinquennat. Mais
le variant Delta est venu perturber le scénario bien orchestré. L’allocution
présidentielle prend donc un air de déjà-vu et se recentre sur la gestion
sanitaire. Après un énième Conseil de défense, Emmanuel Macron a annoncé de
nouvelles restrictions qui feront l’objet d’un projet de loi examiné par le
Parlement à partir du 21 juillet. Le président n’a toutefois pas
totalement abandonné ses ambitions initiales. « Je vous l’avais dit
l’année dernière, nous allons devoir vivre avec le virus. Les semaines à venir
seront donc celles de la mobilisation contre l’épidémie et pour la relance », a
lancé le chef de l’État depuis l’Élysée. Sur l’un des sujets les plus attendus,
la réforme des retraites (lire ci-contre), le chef de l’État a tout de même
temporisé : « Je ne lancerai pas cette réforme tant que l’épidémie ne
sera pas sous contrôle et la relance bien assurée », a-t-il déclaré
tout en assurant qu’il faudrait mettre fin aux régimes spéciaux et « travailler
plus longtemps ».
Vaccin : « Une course contre la montre »
C’était attendu : le président de la République a annoncé d’emblée dès le
début de son allocution que la vaccination sera obligatoire pour « les
personnels soignants et non soignants des hôpitaux, des cliniques, des maisons
de retraite, des établissements pour personnes en situation handicap, pour tous
les professionnels ou bénévoles qui travaillent au contact des personnes
fragiles, y compris à domicile. ». Une décision motivée, a-t-il justifié,
par la « reprise forte de l’épidémie sur tout le territoire » du
fait de la progression du variant Delta, exigeant « un été de
mobilisation pour la vaccination » afin d’éviter une forte
augmentation « dès le mois d’août » des contaminations et des
hospitalisations. Toutes les personnes concernées devront être vaccinées
avant le 15 septembre. À partir de cette date, « des contrôles et
des sanctions » seront mis en œuvre. Ces décisions (et celles
concernant le passe sanitaire) seront portées par un projet de loi présenté dès
ce mardi en Conseil d’État, en Conseil des ministres le 19 juillet puis
débattu à l’Assemblée nationale le 21. Le chef de l’État a enfin annoncé des
campagnes de vaccination dès cet été, « au plus près du terrain » et
à la rentrée dans les établissements scolaires et universitaires. « 9 millions
de doses vous attendent », a-t-il lancé, laissant finalement entendre
qu’au cas où ces mesures ne suffiraient pas à obtenir une couverture vaccinale
suffisante, la vaccination obligatoire pour tous n’était plus un tabou.
Le passe sanitaire, un sésame bientôt incontournable
Le chef de l’État a annoncé lundi soir d’autres mesures destinées à freiner
le redémarrage de l’épidémie, dopée par le variant Delta. Parmi celles-ci, la
plus importante est sans doute l’extension du passe sanitaire, dont l’objectif
est de « faire peser les restrictions sur les non vaccinés ». Jusqu’ici
exigé pour les événements rassemblant plus de 1 000 personnes (dans les
stades par exemple) ou à l’entrée des discothèques accueillant plus de
50 personnes, ce passe va devenir obligatoire pour accéder à de nombreux
autres lieux accueillant du public : dès le 21 juillet, ce sera le cas,
pour les personnes de plus de 12 ans, « des lieux de culture et de
loisirs » (parcs d’attractions, théâtres, cinémas…). Le temps de faire
voter une loi en ce sens, cette extension concernera aussi, début août, les
bars et restaurants, mais aussi les centres commerciaux, les hôpitaux, les
maisons de retraite, les avions, les trains et les cars effectuant de longues
distances, « pour les clients, les usagers, comme les salariés », a
précisé Emmanuel Macron. Objectif : inciter les derniers récalcitrants à se
faire enfin vacciner. Dans le même ordre d’idées, les tests PCR seront aussi
rendus payants cet automne, sauf prescription médicale. Par ailleurs, deux
territoires vont subir des mesures de freinage plus drastiques encore, avec le
retour ce mardi de l’état d’urgence sanitaire et du couvre-feu : la Martinique
et La Réunion.
Économie : la relance du satisfecit
Sur le bilan économique et social de la crise, Emmanuel Macron a joué du
satisfecit : « le quoi qu’il en coûte a protégé nos entreprises et nos
emplois ». Avec « une croissance de 6 % attendue en 2021, la
France est en tête des grandes économies européennes », a ainsi fait
valoir le président de la République. Selon lui, « l’emploi a résisté » à
la crise, malgré la « destruction de près de 300 000 emplois » en
2020. La preuve que « les plans de soutien ont permis d’envisager une
reprise sereine ». Mais il entend « aller plus loin », sans
jamais donner plus de détails. « Nous resterons pleinement mobilisés
pour aider les jeunes, les indépendants et ceux dont l’entreprise n’a pas
résisté à la crise », a-t-il tout juste évoqué.
Quant au plan de relance de 100 milliards d’euros, là aussi, l’autosatisfaction
est de rigueur, « mais nous devons faire plus », affirme
Emmanuel Macron via, pêle-mêle, la « levée des contraintes » pour
les entreprises qui souffrent de la pénurie de matières premières ou de
main-d’œuvre. « Notre priorité est de nous réinscrire dans une
trajectoire de plein-emploi », a-t-il martelé, évoquant un futur « plan
d’investissements pour bâtir la France de 2030 ».
Enfin, en matière de production industrielle, Emmanuel Macron a insisté
sur « la nécessité de recouvrer le chemin de l’indépendance française
et européenne ». La présidence tournante de l’Union européenne qui incombe
à la France devant être, selon lui, l’occasion d’acter un « agenda
commun d’indépendance industrielle et technologique », là encore, sans plus
de détails.
Passage en force sur l’assurance chômage
Quoi de mieux, pour vanter le modèle social français, ce « joyau à
préserver », que de maintenir coûte que coûte la réforme de
l’assurance-chômage dont l’objectif est de sabrer 2,5 milliards d’euros
dans les indemnités des privés d’emploi ? Le en même temps macronien permet de
s’accommoder de toutes les incohérences. Son auteur n’a pas hésité à en user
pour affirmer que cette réforme « sera mise en œuvre au 1er octobre ».
Avec toujours le même argument : « On doit gagner sa vie en travaillant
plutôt qu’en restant chez soi ». Profiteurs de chômeurs !
L’Élysée compte passer en force sur le sujet. Peu importe que le Conseil
d’État ait par deux fois bloqué l’application d’une partie du texte du fait de
ses incohérences, ou que cette même haute juridiction administrative doive
encore se prononcer sur le fond. Il en va de la parole du gouvernement qui a
fait de cette réforme un donnant-donnant contre les mesures structurelles
demandées par Bruxelles en échange des 40 millions d’euros du plan de
relance tricolore.
En revanche, rien de
tangible n’a été annoncé pour renforcer le modèle social. Pas de généralisation
de la garantie jeunes à un million de moins de 26 ans, comme chuchotée
dans les couloirs du ministère du Travail. Il faudra se contenter de
l’évocation d’un « revenu d’engagement pour les jeunes sans emploi ni
formation, avec des droits et des devoirs ». Mêmes promesse creuse d’un
« accompagnement renforcé » pour les aînés et les personnes en situation de
handicap (lire page 11).
Un nouvel été avec des restrictions
La période estivale s’ouvre sous le signe
d’une reprise de l’épidémie en Europe. Au Portugal, le nombre de contaminations
repart à la hausse, avec plus de 2 000 nouveaux cas chaque jour. Les
autorités estiment que ce chiffre pourrait être multiplié par deux d’ici à la
mi-juillet. Un couvre-feu est en vigueur de 23 heures à 5 heures
dans 45 municipalités les plus touchées, dont Lisbonne. Les capacités
d’accueil sont à nouveau réduites dans les établissements accueillant du
public. En Espagne, la progression des contaminations est inquiétante en
Catalogne, principalement chez les jeunes. La région autonome du Nord-Est
impose à nouveau des restrictions. Les discothèques et autres lieux de
divertissement nocturnes gardent portes closes et il faut présenter un test
antigénique ou PCR négatif, ou être vacciné, pour participer à des événements
en plein air réunissant plus de 500 personnes. La progression des cas est
exponentielle en Grèce. Le gouvernement opte toutefois pour des mesures de
confinement ciblées, notamment en Crète. Pas question de suivre l’exemple de
Malte, premier pays de l’UE à fermer ses frontières aux voyageurs non vaccinés.
Le Royaume-Uni, enfin, fait bande à part. À partir du 19 juillet le
télétravail ne sera plus recommandé, salles de spectacles et stades ouvriront
largement leurs portes.
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