L’accumulation
de phénomènes de violence dans le pays finit par interdire de les catégoriser
comme « faits divers ». Ces événements font système et indiquent bien
plus que le dérapage de telle ou telle personne déviante. C’est cette jeune
fille poignardée, cette autre jetée d’un pont, ce policier lâchement assassiné,
ces phénomènes de bande ou le poison du trafic de drogue qui pourrit la vie de
trop nombreux travailleurs et familles populaires. Ce sont ces agressions
contre des fonctionnaires de police, des agents territoriaux et hospitaliers,
des pompiers ou encore contre des élus locaux.
Si les
homicides diminuent, la violence se fait insidieuse, commande parfois aux
rapports sociaux, devient moyen de régler des litiges ou d’exprimer des
rancœurs et des colères dans une société où l’argent est devenu la valeur
suprême, et la guerre de tous contre tous érigée en politique. C’est la pente
mortifère dans laquelle notre société se trouve engagée.
Ne nous
berçons donc pas d’illusions : la lutte indispensable contre l’insécurité ne
saurait rester un objet de promotion politique à la veille de chaque
consultation électorale. L’affaire est trop sérieuse puisqu’elle conditionne
pour une large part l’exercice des libertés individuelles et collectives.
Ainsi, comment imaginer que l’insécurité puisse être sérieusement combattue
dans un pays au système éducatif si peu considéré et qui compte 5 millions de
chômeurs ? La coercition policière renforcée sur un corps social malade ne fait
qu’aggraver les maux que l’on prétend combattre. D’états d’urgence en lois
sécuritaires, de renforcement des poursuites pénales en coups de menton,
l’insécurité n’a pas diminué. En prétendant lutter contre des sujets aussi
différents que la délinquance et le terrorisme avec les mêmes textes de loi, on
s’est empêché de construire les réponses appropriées.
Voilà qui
indique le degré de supercherie des discours de droite et d’extrême droite –
qui débordent désormais leur lit – sur une prétendue « culture de
l’excuse », ou les accusations de « laxisme » lancées contre les élus de
gauche. C’est au contraire la surenchère électoraliste des politiques des
droites qui a montré sa totale inefficacité à lutter contre l’insécurité en
plus de conforter les thèses d’extrême droite. Ce sont eux, aux affaires depuis
tant d’années, M. Valls compris, qui portent une responsabilité colossale dans
la diffusion de l’insécurité en France.
Un bilan de
trente années d’inflation législative sur le thème de la sécurité s’impose
donc. L’empilement de lois sécuritaires – une tous les deux ans sans
compter les lois antiterroristes ! – contrevient au principe
d’intelligibilité des lois. Ce faisant, il abîme le principe de la loi et la
République elle-même, étouffée par des textes qui jouent en permanence avec les
frontières de la légalité constitutionnelle sans n’avoir aucun effet sur ce
qu’ils prétendent combattre. La loi dite sécurité globale, ajoutée au nouveau
Schéma national du maintien de l’ordre, est une étape de plus dans cette voie
sans issue, qui, outre les pouvoirs de police judiciaire octroyés aux polices
municipales sur le modèle états-unien, entérine le recours aux sociétés privées
dans le maintien de l’ordre. Ce qui se joue dans les actuels débats est aussi
la privatisation de la sécurité publique.
Cette
surenchère se déploie sans égard pour la justice, privée de ses moyens
d’exercice par la pénurie organisée de magistrats, de greffiers et d’agents
administratifs. La justice pénale, pour s’y limiter, a dû traiter 4 millions
d‘affaires nouvelles en 2019, dont 1.3 millions validées par le parquet.
Seulement 0.2% de la richesse nationale est consacrée la justice, l’un des plus
faibles taux d’Europe. La France est le pays d’Europe qui compte le moins de
procureurs avec seulement trois pour 100 000 habitants contre sept en
Allemagne. La gestion du flux des dossiers s’est imposée au détriment de leur
traitement qualitatif. La politique du chiffre s’est traduite en encombrement
des tribunaux, dévalorisant du même coup le travail des agents judiciaires tout
en contrevenant au principe cardinal du traitement des affaires « dans un
délai raisonnable ». Et que dire de l’état de délabrement d’un système
pénitencier mis en accusation par toutes les instances internationales.
Il faut donc
prendre le problème tout autrement. La violence n’est consubstantielle à aucune
catégorie d’être humain. Elle est un phénomène social et rationnel. Lutter
contre sa diffusion réclame des moyens humains, matériels et de formation
considérables. Mais en ayant toujours à l’esprit que l’aggravation de la grande
pauvreté et la scandaleuse accoutumance à un taux de chômage dévastateur sont
propices à la délinquance, aux incivilités et à la violence.
La lutte
contre l’insécurité doit donc reposer en premier lieu sur un contrat social et
démocratique nouveau, une unité populaire à construire pour recoudre le lien
social abimé par des décennies de politiques libérales, à commencer par une
lutte sans merci contre le chômage et son corolaire, le « marché de
l’emploi » capitaliste. Ce contrat intégrerait une redéfinition du rôle
dévolu aux forces de l’ordre, « instituées au service de tous » comme
le proclame la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, intransigeant
avec les bavures, violences et comportements antirépublicains qui sont
désormais légion au sein des forces de police. Il devrait tout autant donner
les moyens nécessaires à la justice comme aux institutions psychiatriques, tout
en produisant un effort inédit pour l’éducation nationale, pierre angulaire de
la République sociale.
Il convient
tout autant de prendre plus et mieux en compte les difficultés des
fonctionnaires de police et de gendarmerie. Non seulement en renforçant
considérablement une formation qui établit clairement les limites dans l’usage
de la force et promeut le lien avec les habitants, mais aussi en refusant de
les laisser exercer leur métier dans des locaux insalubres indignes de leur
fonction. Il n’y a qu’à se rendre dans un commissariat de banlieue ou de la
capitale pour s’en rendre compte.
Les
parlementaires communistes ont déposé un projet de loi visant à reconstruire un
lien de confiance entre la police et les citoyens en réhabilitant une véritable
police nationale de proximité. C’est une base de travail importante pour se
donner les moyens d’une lutte conséquente contre les phénomènes de violence.
Elle réclame l’embauche d’au moins 30 000 personnels supplémentaires,
juste retour sur les suppressions de poste engagées par le matamore de la
sécurité, M. Sarkozy, il y a quinze ans. Et, il faudra bien contraindre les
banques à faire la lumière sur l’argent sale issu du trafic de drogue.
La lutte
contre l’insécurité est vouée à l’échec si elle se fait borgne. Les forces de
l‘ordre rempliront d’autant mieux leurs missions républicaines que les causes
de l’insécurité seront traitées avec force et détermination.
je suis d'accord avec énormément de choses dans cet article et pourtant je ne saurais dire mais cet article ne me plait pas Sans âme
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