vendredi 14 mai 2021

« Des chiffres et des vies », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité.



Ce décompte-là ne fait pas tous les jours l’actualité. Pourtant, la France compte plus de 9 millions de personnes pauvres, dont la moitié, a moins de 30 ans. Un enfant sur cinq est concerné. En une année, 1 million de nos concitoyens ont basculé dans cette survie, forcés de choisir entre manger et se chauffer, se loger ou se soigner. Cette paupérisation massive touche la jeunesse de plein fouet, comme en témoignent les longues files d’attente devant les distributions alimentaires. Comment l’exécutif peut-il détourner le regard face à ces scènes d’étudiants attendant en file indienne, sac à la main, quelques denrées pour se nourrir ? Comment peut-il fermer les yeux devant ce retour de la faim dans certains quartiers, que seules la solidarité populaire et certaines municipalités viennent secourir ?

Pour cette « génération Covid », point de « quoi qu’il en coûte ». Le 6 mai, les macronistes ont rejeté la proposition d’un RSA pour les jeunes de 18 à 25 ans. Alors que les associations tirent la sonnette d’alarme sur la nécessité d’une extension de la trêve hivernale, l’exécutif reste droit dans ses bottes et autorisera la reprise des expulsions locatives à partir du 1er juin. 30 000 ménages, selon les chiffres de la Fondation Abbé-Pierre, pourraient ainsi être jetés à la rue. Au final, moins de 1 % du plan de relance sera dédié à la lutte contre la pauvreté, tandis que des milliards d’euros sont versés aux grandes entreprises sans aucune contrepartie contraignante.

Oui, la politique est une question de vie ou de mort, même dans notre démocratie, qui a oublié qu’il n’y a pas de République sans justice sociale. La lutte contre la pauvreté n’est pas une affaire d’« assistanat », encore moins de charité ou de bonnes œuvres, mais bien de répartition des richesses et leur confiscation par une poignée de milliardaires. Les 1 000 personnes les plus riches du monde sont déjà parvenues à compenser les pertes liées au Covid, quand il faudra plus de dix ans aux plus pauvres pour se relever de la pandémie. « C’est (bien) de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches. »

 

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