Ainsi, les ennemis héréditaires et éternels rivaux de l’audiovisuel ont
définitivement enterré la hache de guerre. Les deux premiers groupes de
télévision privés français, TF1 et M6, ont annoncé qu’ils entraient
officiellement en négociations exclusives avec l’ambition pure et simple de
fusionner. L’allemand Bertelsmann, propriétaire de RTL Group, cherchait depuis
la fin 2020 un repreneur pour sa filiale de télévision et de radio française.
Autant l’admettre : l’accord avec Bouygues provoque un big-bang médiatique
considérable, lourd de conséquences et de menaces.
Impensable il y a quelques mois encore, ce mariage des « géants » créerait
un mastodonte fort d’un chiffre d’affaires de 3,4 milliards d’euros.
Lancée avec la bienveillance de l’Élysée, cette opération très politique
s’avère néanmoins risquée, car soumise à l’avis de l’Autorité de la
concurrence. À eux deux, TF1 et M6 possèdent neuf chaînes de la TNT gratuite,
tandis que la loi interdit à un même groupe d’en détenir plus de sept. Par
ailleurs, en fusionnant, TF1 et M6 contrôleraient 70 % des encarts
publicitaires. Une situation de quasi-monopole.
Mais voyons au-delà, car
cette affaire concerne d’abord et avant tout la concentration des modes de
traitement de l’information au sens large. La monumentale fusion entre TF1 et
M6-RTL deviendrait l’un des exemples les plus emblématiques. Dès lors que les
actionnaires des grands médias comptent au nombre des plus grosses fortunes du
pays, qu’ils se partagent l’essentiel des groupes, qu’ils tirent leurs
ressources des secteurs les plus dynamiques de l’économie mondiale (industrie
du luxe, travaux publics, armement, Internet), que reste-t-il du pluralisme et
de la bataille démocratique des idées ? Nous voilà bien loin des bases jetées
par le CNR, à la Libération, qui définissait le paysage médiatique comme un
espace de « liberté de conscience, de pensée et d’expression,
indépendant des puissances d’argent ». Au XXIe siècle, plus que
jamais, la liberté et l’indépendance des médias sont mises à mal…
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