Rappelant la loi de
nationalisation de l’électricité de 1946, les syndicats du secteur se
mobilisent à nouveau contre le projet Hercule de démantèlement d’EDF. Un
mouvement social d’ampleur peut mettre le gouvernement sur le reculoir.
Les promoteurs du projet Hercule ne pourront plus arguer du manque d’argent
public pour justifier leur plan de découpe d’EDF et de privatisation partielle
de quelques-unes de ses pépites les plus rentables. Lors de leur première
rencontre avec le gouvernement, mardi, les syndicats d’EDF ont appris de la
bouche de Bruno Le Maire et de Barbara Pompili que l’État était prêt à dépenser
10 milliards d’euros pour dédommager les actionnaires très minoritaires de
l’entreprise publique et récupérer leurs 16 % du capital afin de
nationaliser à 100 % EDF SA. Ainsi va ce projet Hercule, sorte de poupée
russe du démantèlement du service public de l’électricité, contraint de
dévoiler ses secrets par la force du mouvement social impulsé par les syndicats
de l’énergie et les salariés du secteur.
La CGT, FO, la CFDT et la CFE-CGC, toujours unies contre ce plan, sonnent à
nouveau la mobilisation générale, ce jeudi. Les syndicats se saisissent de ce
8 avril, jour anniversaire de la loi de nationalisation de l’électricité,
pour donner un écho particulier à leurs appels à la grève sur les principaux
sites de production et de distribution, ainsi qu’aux rassemblements prévus à
Paris (à 14 heures devant le ministère de l’Économie), comme à Marseille,
Lyon ou Bordeaux. Celui de Dieppe, en fin de matinée, se déroulera sur une
place rebaptisée pour l’occasion « Marcel Paul », du nom du ministre communiste
porteur de la loi de 1946.
Une journée teintée de bleu, «la couleur historique d’EDF-GDF»
« On espère un taux de grévistes au moins au même niveau que lors des
précédentes journées de grève, c’est-à-dire autour de 30 % », estime Nelly Bréheret,
déléguée syndicale centrale (FO), qui s’attend à une journée teintée de
bleu, « la couleur historique d’EDF-GDF ». Un nouveau fort taux de
mobilisation chez les énergéticiens porterait un coup certain, si ce n’est
fatal, au projet Hercule, déjà bien affaibli au point de ne plus être nommé de
la sorte par ses zélateurs. « On a déjà obtenu le retrait du nom de
code de projet. Bientôt, ce sera son contenu », souriait un syndicaliste
après le rendez-vous avec les deux ministres flanqués du PDG d’EDF.
Ces derniers sont désormais sur la défensive. La faute à un calendrier
serré leur imposant d’obtenir rapidement un accord avec la Commission
européenne. Dans cet accord perdant-perdant pour les agents comme pour les
usagers, Bruxelles validerait l’étatisation du parc nucléaire dans EDF SA,
ainsi que l’augmentation du tarif auquel l’entreprise est obligée de vendre une
part de son électricité à ses concurrents (autour de 49 euros le
mégawatt/heure, contre 42 actuellement). Ce prix, censé assurer les
financements en faveur de la modernisation des centrales existantes et de l’EPR
de Flamanville, serait payé au prix fort. Avec la création d’ « une
filiale EDF Hydro, quasi-régie 100 % publique et nationalisée, et une
société EDF énergies renouvelables et réseaux dont le capital pourrait être
ouvert jusqu’à 30 % », comme l’explique l’intersyndicale dans un
communiqué. « Mais, sur le fond, le projet de réforme présenté est bel
et bien un copier-coller du projet initial Hercule qui ouvre la voie au
démantèlement d’EDF ! » résume le texte.
Le gouvernement est d’autant plus pressé qu’il compte faire passer dès cet
été une loi au Parlement pour que l’affaire soit bouclée avant la
présidentielle. « Mardi, les ministres ont cherché à obtenir un accord
auprès de nos fédérations pour finaliser d’ici à fin avril la négociation avec
la Commission, décrypte Sébastien Menesplier, de la CGT
mines-énergie. Ils nous ont mis la pression en affirmant que l’on ne
pourrait pas obtenir d’aussi bonnes conditions d’ici à 2025 et la fin du tarif
régulé. Mais on a aussi senti que sans le consensus des syndicats, le projet
n’irait pas plus loin. »
À défaut d’avoir
convaincu du bien-fondé de son projet de nouvelle structuration de
l’électricité, le gouvernement va multiplier les rencontres bilatérales avec
les organisations de salariés, qu’il s’était jusqu’alors ingénié à tenir
éloignées des négociations sur le projet Hercule. Il joue son va-tout en
tentant de briser l’unanimité syndicale. Pour l’heure, c’est peine perdue au vu
de l’appel interfédéral à la grève et au rassemblement du jour. Une
mobilisation musclée affaiblirait ce plan au nom mal choisi.
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