Une proposition de loi
discutée en commission a été rejetée. Elle a malgré tout permis de mettre en
évidence la crise démocratique et de relancer le débat.
Et revoilà le débat sur le vote blanc. À l’initiative du député Jean
Lassalle et de ses collègues du groupe Libertés et Territoires, la commission
des Lois a débattu d’un projet de loi sur la reconnaissance du vote blanc, le
31 mars. En période préélectorale, le sujet revient comme un serpent de
mer. Comme c’était prévisible, les députés macronistes ont rejeté ce projet.
Mais le dépôt de cette proposition aura tout de même permis aux députés de
discuter à nouveau de ce sujet et surtout de ce qui l’alimente : une crise
politique dans une démocratie en panne et sous état d’urgence sanitaire, alors
qu’est redouté un « non-choix » au second tour de la présidentielle de 2022. À
gauche, les parlementaires se sont dits satisfaits de voir cette proposition de
loi arriver sur la table, avec pourtant des réserves… « Le vote blanc
est une expression, a ainsi rappelé le communiste Stéphane Peu. Le
fait de se déplacer, d’aller exercer son vote et de le manifester par une
enveloppe vide ou un bulletin blanc est une expression. Il doit donc être
compté dans les votes exprimés. Dans ce sens, on partage la proposition qui est
faite. » Chez les socialistes, Marietta Karamanli a souligné « une
proposition intéressante » et « une avancée démocratique » si
le vote blanc était pris en compte. L’insoumis Bastien Lachaud s’est montré
enthousiaste : « Enfin le vote blanc pourrait être comptabilisé comme
un vote exprimé ! » s’est-il exclamé en commission des Lois.
La « dérive monarchique constatée depuis plusieurs mandats »
Il y a cependant des réserves, qui portent sur le second article de ce
projet de loi. « Si la majorité absolue n’est pas atteinte au second
tour, le Conseil constitutionnel prononce l’invalidation de l’élection du
président de la République et déclare qu’il doit être procédé de
nouveau à l’ensemble des opérations électorales, du premier et du second tour,
au plus tard trente-cinq jours après cette invalidation », stipule
notamment cet article. « On touche du doigt le paradoxe de la Ve République », a
ainsi souligné Stéphane Peu, en faisant allusion au « président clé de
voûte des institutions » et à la « dérive monarchique constatée
depuis plusieurs mandats »… « On ne peut pas à la fois se
satisfaire d’une Constitution qui hypertrophie le rôle du président et ne pas
souhaiter à tout prix que sa légitimité soit indiscutable », indique
le député communiste. « Affaiblir la légitimité du président élu est
dangereux pour la démocratie elle-même », rappelle-t-il, tout en
refusant de « balayer cette proposition d’un revers de main ». La
députée socialiste Marietta Karamanli a, elle, refusé de voter la proposition
de loi en raison de ce second article ; Bastien Lachaud a, en revanche, soutenu
ce second volet en le présentant comme « un outil du dégagisme
populaire » et en y ajoutant l’instauration du « vote
obligatoire » dès 16 ans.
« C’est une fausse solution à un vrai problème », estime de son côté
la chercheuse au CNRS Herrade Igersheim. Réfléchir sur le vote blanc,
c’est détourner le débat vers une fausse solution. Pour moi, le vrai problème,
c’est le mode de scrutin actuel : le vote mono-nominal. » La
chercheuse travaille en effet sur des modes de scrutin alternatifs tels que le
vote par approbation. « Les gens restent tout à fait intéressés par la
question politique, mais ils sont pris dans un dilemme entre vote sincère et
vote utile », explique-t-elle. D’autres modes de scrutin auraient,
selon elle, le mérite d’élargir les choix des électeurs : « La vraie
question, c’est quelle démocratie on veut. » « La seule véritable
façon de faire est de changer de Constitution », soulignait d’ailleurs
Bastien Lachaud devant la commission des Lois, rejoignant ainsi Stéphane Peu
sur le « paradoxe de la Ve République ».
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