Du 2 au 11 avril,
le 43e Festival international de films de femmes de Créteil se souvient de
cette actrice qui débuta avec Melville.
Cette année, le public pourra redécouvrir, à travers une rétrospective en
ligne, la personnalité de Nicole Stéphane, disparue en 2007. Elle a marqué
l’univers cinématographique de l’immédiat après-guerre avec sa frimousse mutine
et néanmoins grave de jeune fille de bonne famille : son père est le baron
James-Henri de Rothschild, banquier, conseiller général de l’Oise et maire de
Compiègne. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il s’engage dans les Forces
aériennes françaises libres, sa femme dans le Corps des volontaires françaises.
Quant à leurs filles, Nicole et Monique, elles sont rentrées à l’école des
cadets de la France libre en Angleterre. Après un passage en 1942 par la case
prison en Espagne, Nicole devient sous-lieutenant, agent de liaison, engagée
dans la Résistance à Londres.
Elle a permis à Marguerite Duras « de devenir cinéaste »
À la fin de la guerre, elle a 22 ans. Et une terrible envie de dévorer
le monde. En 1946, Jean-Pierre Grumbach, dit Melville, un nom de Résistance,
l’engage pour un rôle principal où elle n’a qu’un seul mot à dire, mais quel
mot, dans le Silence de la mer, d’après la nouvelle de Vercors,
face à Howard Vernon en officier allemand (1). À la vue de ce film subtil, Jean
Cocteau propose à Melville de réaliser les Enfants terribles (1950),
dans lequel Nicole Stéphane a de nouveau un rôle conséquent : celui, vénéneux,
de la sœur incestueuse d’Édouard Dermit, le fils adoptif du maître.
Nicole tourne encore dans quelques films puis continue son chemin, une rose
à la main, revisitant les tragédies du siècle. En tant que productrice, elle
soutient Frédéric Rossif pour Mourir à Madrid (1962, prix
Jean-Vigo), Jean-Paul Rappeneau pour son premier long métrage, la Vie
de château (1965) et Marguerite Duras, qui dit d’elle qu’elle lui a
permis « de devenir cinéaste », en produisant Détruire,
dit-elle (1969), les vrais débuts de l’écrivaine derrière la caméra.
Mais l’aventure la plus tragique de sa vie reste la grande catastrophe vécue
avec Luchino Visconti. Ces deux aristocrates semblaient faits pour se
rencontrer autour de Proust et d’une vision cinématographique d’À la
recherche du temps perdu, pour lequel ils avaient une passion commune
et « une proximité d’univers » (2). Elle a les droits du
livre, il en a fait écrire l’adaptation et fait les repérages, choisi les
acteurs les plus prestigieux, les décors, les costumes mais… le film ne se fera
jamais.
Autre hommage à une figure du cinéma du siècle dernier : Cecilia Mangini,
qui vient de disparaître. Cette édition propose une projection de sa dernière
intervention cinématographique, Due scatole dimenticate. Un viaggio in
Vietnam (Deux boîtes oubliées. Un voyage au Vietnam, 2020), ou
comment le contenu de deux boîtes à chaussures retrouvées pleines de négatifs
photo 6x6 d’un Vietnam en guerre pris en 1964-1965 avec son mari, le cinéaste
Lino Del Fra, pour un projet qui n’a jamais abouti peut réveiller une mémoire.
à suivre jusqu’au 11 avril sur www.filmsdefemmes.com (1) À mi-voix
mais de manière assurée, elle dit à l’officier allemand : « Adieu ! » (2)
Proust-Visconti. Histoire d’une affinité élective, de Florence Colombani.
éditions Philippe Rey, 2006
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