Dans un rapport au
vitriol publié mercredi, des ONG passent au crible les investissements réalisés
par les établissements financiers dans les énergies fossiles.
C’est le genre de record dont on ne se vante pas. À en croire le dernier
rapport annuel Banking on Climate Chaos, rédigé par six ONG internationales
(1), les banques françaises remporteraient la palme européenne des pires
fossoyeuses du climat. Les ONG ont passé au crible les investissements financés
par 60 grandes banques internationales, pour vérifier si leurs actes étaient en
accord avec leurs engagements vertueux. Résultat, ces établissements ont
injecté 3 800 milliards de dollars dans les énergies fossiles (pétrole,
gaz, charbon) entre 2016 et 2020, en totale contradiction avec les promesses de
l’accord de Paris. Cette manne a été déversée sous forme de prêts,
d’obligations et d’actions.
Sans surprise, les banques états-uniennes (JPMorgan Chase, Citi, Wells
Fargo et Bank of America) tiennent le haut du pavé, mais la France n’est
pas en reste, puisqu’elle prend la quatrième place du classement. Les banques
tricolores ont ainsi déboursé 86 milliards de dollars en 2020, contre 45
milliards, quatre ans plus tôt, ce qui fait d’elles les moins « vertes »
d’Europe. Dans le détail, trois banques françaises sont épinglées par le
rapport : Crédit agricole, Société générale et BNP Paribas. Cette dernière est
accusée d’avoir investi 17,7 milliards de dollars, l’année dernière, dans
les énergies fossiles, une somme conséquente, quoique très inférieure à ce qu’a
déboursé JPMorgan (70,2 milliards de dollars).
« Au bal des hypocrites, BNP Paribas est roi ! »
« Les banques françaises ont augmenté leurs financements aux pétrole et gaz
les plus risqués, y compris ceux dits non conventionnels comme les gaz et
pétrole de schiste, écrivent Reclaim Finance et les Amis de la Terre dans un
communiqué. Cela donne un aperçu inquiétant du chemin qu’il reste à
parcourir pour répondre à l’appel lancé par Bruno Le Maire, fin 2020, à ce que
tous les acteurs financiers de la place de Paris se dotent d’une stratégie de
sortie des pétroles et gaz non conventionnels. »
L’ONG Reclaim Finance donne des détails supplémentaires sur la répartition
des investissements : sables bitumineux, forages dans l’Arctique, gaz et
pétrole de schiste, forages en offshore… sont subventionnés par les banques
hexagonales. « Au bal des hypocrites, BNP Paribas est roi ! Martèle
Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance. Pendant qu’elle se joignait
aux appels publics en faveur d’une relance verte à la suite de l’éclatement de
la crise du Covid-19, BNP Paribas signait aussi, loin des projecteurs, des
chèques de plusieurs milliards de dollars sans condition aux super-majors
pétroliers et gaziers. Il est urgent d’appliquer au pétrole et au gaz la
méthode déjà suivie par les banques françaises sur le charbon, à savoir une
tolérance zéro à l’égard des entreprises qui piétinent les objectifs de
l’accord de Paris. »
La banque française se défend dans Libération : fin
2020, « le soutien financier direct aux entreprises du secteur pétrole
et gaz ne représente que 1,9 % du portefeuille de prêts de BNP Paribas », écrit-elle.
Par ailleurs, elle précise « avoir encore renforcé, en 2020, ses
politiques d’exclusion dans les secteurs les plus à risques pour le climat,
ainsi que son financement des nouvelles énergies ». Ainsi, « 82 %
des projets de production d’électricité financés par le groupe sont des projets
d’énergies renouvelables, soit 40 % de l’ensemble des projets financés par
BNP Paribas en 2020 ».
Quelles sont les entreprises qui ont bénéficié de la manne déversée par les
banques françaises ? D’après les ONG, plusieurs majors, pétroliers et gaziers
ont bénéficié de prêts, à l’image de BP, Total, Shell et Exxon, en dépit du
bilan carbone désastreux de certains projets d’exploitation (sables bitumineux,
gaz et pétrole de schiste…). Ainsi, en 2020, Total aurait bénéficié de
3,7 milliards de dollars de soutien de la part du Crédit agricole, et
Exxon de 1,9 milliard.
« Bruno Le Maire a multiplié les discours rappelant que “la finance sera
verte ou ne sera pas”, rappelle Lorette Philippot, des Amis de la Terre. La réalité est
que l’ambition climatique des banques françaises est aussi nulle que celle du
gouvernement. »
(1) Rainforest Action Network, BankTrack, Indigenous
Environmental Network, Oil Change, Reclaim Finance.
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