jeudi 25 mars 2021

Accord de paris. Comment les grandes banques françaises plombent le climat



Cyprien Boganda

Dans un rapport au vitriol publié mercredi, des ONG passent au crible les investissements réalisés par les établissements financiers dans les énergies fossiles.

C’est le genre de record dont on ne se vante pas. À en croire le dernier rapport annuel Banking on Climate Chaos, rédigé par six ONG internationales (1), les banques françaises remporteraient la palme européenne des pires fossoyeuses du climat. Les ONG ont passé au crible les investissements financés par 60 grandes banques internationales, pour vérifier si leurs actes étaient en accord avec leurs engagements vertueux. Résultat, ces établissements ont injecté 3 800 milliards de dollars dans les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) entre 2016 et 2020, en totale contradiction avec les promesses de l’accord de Paris. Cette manne a été déversée sous forme de prêts, d’obligations et d’actions.

Sans surprise, les banques états-uniennes (JPMorgan Chase, Citi, Wells Fargo et Bank of America) tiennent le haut du pavé, mais la France n’est pas en reste, puisqu’elle prend la quatrième place du classement. Les banques tricolores ont ainsi déboursé 86 milliards de dollars en 2020, contre 45 milliards, quatre ans plus tôt, ce qui fait d’elles les moins « vertes » d’Europe. Dans le détail, trois banques françaises sont épinglées par le rapport : Crédit agricole, Société générale et BNP Paribas. Cette dernière est accusée d’avoir investi 17,7 milliards de dollars, l’année dernière, dans les énergies fossiles, une somme conséquente, quoique très inférieure à ce qu’a déboursé JPMorgan (70,2 milliards de dollars).

« Au bal des hypocrites, BNP Paribas est roi ! »

« Les banques françaises ont augmenté leurs financements aux pétrole et gaz les plus risqués, y compris ceux dits non conventionnels comme les gaz et pétrole de schiste, écrivent Reclaim Finance et les Amis de la Terre dans un communiqué. Cela donne un aperçu inquiétant du chemin qu’il reste à parcourir pour répondre à l’appel lancé par Bruno Le Maire, fin 2020, à ce que tous les acteurs financiers de la place de Paris se dotent d’une stratégie de sortie des pétroles et gaz non conventionnels. »

L’ONG Reclaim Finance donne des détails supplémentaires sur la répartition des investissements : sables bitumineux, forages dans l’Arctique, gaz et pétrole de schiste, forages en offshore… sont subventionnés par les banques hexagonales. « Au bal des hypocrites, BNP Paribas est roi ! Martèle Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance. Pendant qu’elle se joignait aux appels publics en faveur d’une relance verte à la suite de l’éclatement de la crise du Covid-19, BNP Paribas signait aussi, loin des projecteurs, des chèques de plusieurs milliards de dollars sans condition aux super-majors pétroliers et gaziers. Il est urgent d’appliquer au pétrole et au gaz la méthode déjà suivie par les banques françaises sur le charbon, à savoir une tolérance zéro à l’égard des entreprises qui piétinent les objectifs de l’accord de Paris. »

La banque française se défend dans Libération : fin 2020, « le soutien financier direct aux entreprises du secteur pétrole et gaz ne représente que 1,9 % du portefeuille de prêts de BNP Paribas », écrit-elle. Par ailleurs, elle précise « avoir encore renforcé, en 2020, ses politiques d’exclusion dans les secteurs les plus à risques pour le climat, ainsi que son financement des nouvelles énergies ». Ainsi, « 82 % des projets de production d’électricité financés par le groupe sont des projets d’énergies renouvelables, soit 40 % de l’ensemble des projets financés par BNP Paribas en 2020 ».

Quelles sont les entreprises qui ont bénéficié de la manne déversée par les banques françaises ? D’après les ONG, plusieurs majors, pétroliers et gaziers ont bénéficié de prêts, à l’image de BP, Total, Shell et Exxon, en dépit du bilan carbone désastreux de certains projets d’exploitation (sables bitumineux, gaz et pétrole de schiste…). Ainsi, en 2020, Total aurait bénéficié de 3,7 milliards de dollars de soutien de la part du Crédit agricole, et Exxon de 1,9 milliard.

« Bruno Le Maire a multiplié les discours rappelant que “la finance sera verte ou ne sera pas”, rappelle Lorette Philippot, des Amis de la Terre. La réalité est que l’ambition climatique des banques françaises est aussi nulle que celle du gouvernement. »

(1) Rainforest Action Network, BankTrack, Indigenous Environmental Network, Oil Change, Reclaim Finance.

 

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