Convergence. Il se rêve depuis
longtemps en «Trump français», sauf que, cette fois, la rumeur n’en est plus
une et tout pousse à croire que l’histrion préféré de CNews ambitionne quelque
chose. L’odieux Éric Zemmour va-t-il tenter de se porter candidat à la
présidentielle de 2022 ? Ou constitue-t-il, d’ores et déjà, une sorte de
«chiffon rouge» dans le but non avoué de ratisser large pour Fifille-la-voilà ?
Difficile, en vérité, de connaître les réelles motivations du polémiste.
D’autres s’en chargent pour lui. Cette semaine, plusieurs de ses soutiens ont
en effet créé une plateforme en ligne pour lancer l’idée. Jacques Bompard,
maire d’extrême droite d’Orange, se trouve à la manœuvre. Pour ce dernier,
Zemmour serait le seul capable d’inventer sur le plan «pratique et
théorique» une «convergence» entre droite dure et
droite extrême, ayant pour but d’éliminer Fifille-la-voilà, qui aurait le
désavantage de «faire partie du système» et de ne pas «être
à la hauteur du débat». Tout un programme, plus ou moins partagé par
l’ineffable maire de Béziers, Robert Ménard, qui aurait personnellement dit à
la cheffe du RN tout le bien qu’il pensait du chroniqueur du Figaro.
Tous les artisans de l’Action française revisitée sont donc là, jadis tapis
dans l’ombre, passés depuis en pleine lumière, persuadés désormais que le
fameux «plafond de verre» a tellement été fissuré qu’il suffirait d’une
pichenette de l’histoire pour qu’il explose au pays de Voltaire et d’Hugo.
Râteau. Les scores de
Fifille-la-voilà dans les sondages laissent songeur autant qu’ils nous incitent
à prendre conscience du danger d’accoutumance à cette possibilité même. Nous le
savons : le tête-à-tête mortifère entre Mac Macron et le RN risque de mal
finir. L’accident devient donc potentiellement crédible. Au moins pour une
raison structurante. Ce que nous appelons la «réaction néonationaliste» dans
notre pays nous parvient en effet par tous les bouts, à commencer par le bas,
sans toutefois dénominateur commun. Nous ne sommes pas confrontés à «un» vote
mais à «des» votes d’extrême droite. Ils s’additionnent. Il y a les déçus de
tout, qui s’inventent un discours pseudo-social. Il y a les ultralibéraux
catho-identitaires ségrégationnistes de la droite traditionnelle, héritière du
poujado-pétainiste colonialiste. Et il y a les ultraréacs plus ou moins
ouvertement pétainistes et fascisants. La «famille» de l’extrême droite et de
la droite extrême dispose d’un râteau multiforme. Qui eût cru cela
envisageable, il y a vingt ans à peine ?
Horreur. Zemmour a déjà
refusé une investiture RN pour les européennes ? Qu’à cela ne tienne. Depuis
plusieurs années, l’homme croit en la prédiction de l’ancien conseiller occulte
de Nicoléon, Patrick Buisson, qui a toujours vu en lui la «figure
providentielle pour donner une base doctrinale à la droite, susceptible de
rallier LR et le RN… et bien au-delà». Admettons-le : malgré ses
multicondamnations (provocation à la discrimination raciale, à la haine contre
les musulmans), Zemmour jouit d’une importante popularité. Il vend des livres :
500.000 exemplaires du Suicide français, puis 110.000
environ du Destin français. Il réalise de bons scores avec son
émission quotidienne sur CNews : environ 800.000 téléspectateurs en
moyenne. Se sentant porté par des vents crépusculaires, identitaires et
xénophobes dont il cherche à attiser la puissance – avec tous ses
relais –, le nouveau porte-parole des nationalistes et de l’extrême droite
aspirait naguère au statut de «Maurras du XXIe siècle», abusant de tous
les codes mis à sa disposition, en particulier quand il publie un livre.
Zemmour incarne l’extrême droite dans toute son horreur à peine ripolinée. Sa
vieille quête fanatique du n’importe quoi historique en est la marque ; tout
comme ses propos sur l’immigration ou les femmes ; ou quand il ose exalter la
figure de Pétain au point de le réhabiliter entre les lignes ; sans parler de
sa sortie verbale, après la reconnaissance par Mac Macron du rôle de la France
dans la mort du mathématicien communiste Maurice Audin, affirmant que ce
dernier était «un traître et méritait 12 balles dans la
peau»…
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