Après la vague des suppressions d’emplois
qui déferle sur le pays, voilà la nouvelle catastrophe sociale qui menace.
Personne ne pourra dire que les pouvoirs publics ont été pris au dépourvu. A
l’occasion de son rapport annuel, la fondation Abbé-Pierre alerte sur les « dizaines
de milliers de ménages menacés d’expulsion à partir du 1 er avril
2020 », par suite d’impayés de loyers du fait de
revenus en chute libre. Déjà insupportable pour les foyers modestes, la crise
risque de redoubler de violence en ajoutant à la perte du travail celle du
logement.
L’état d’urgence est absolu pour ceux qui
risquent de tout perdre. Mais pas seulement. Car derrière le danger immédiat se
cache une dégradation plus durable de la solvabilité des ménages. En clair, la
précarité du logement est en train de s’étendre à bas bruit à des millions de
familles supplémentaires. Locataires du public, du privé ou accédants à la
propriété : aucune catégorie n’est épargnée, même si beaucoup n’en parlent
pas avant d’être allés au bout du surendettement et des privations pour tenter
de faire face.
La prolongation de la trêve hivernale jusqu’au 10
juillet permet de maintenir dans les lieux des familles sous le coup d’une
procédure d’expulsion. Mais elle ne fait que retarder le problème sans le
résoudre. Puisque le gouvernement est déterminé à débattre cette semaine d’une
loi « confortant les principes de la République », c’est le moment de le
prendre au mot. Le préambule de la Constitution de 1946 prévoit que la
nation « garantit à tous (…) la sécurité matérielle ». Le
logement en est à l’évidence l’une des principales conditions. Si l’on veut
conforter ce « principe républicain », alors il faut revenir sur la
réforme des allocations logement dont le calcul basé sur les revenus « en
temps réel », destiné à économiser 700 millions d’euros sur le dos
des bénéficiaires en 2021, ne fera que hâter la catastrophe. Voilà un
débat essentiel à mener, de même que celui sur l’interdiction des
expulsions, l’encadrement des loyers ou le soutien au secteur HLM. Plus
utile, en tout cas, que celui qui consiste à rouvrir les fractures de la
société sur le port du voile, islamique ou non.
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