mardi 2 février 2021

« Principe républicain », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.



Après la vague des suppressions d’emplois qui déferle sur le pays, voilà la nouvelle catastrophe sociale qui menace. Personne ne pourra dire que les pouvoirs publics ont été pris au dépourvu. A l’occasion de son rapport annuel, la fondation Abbé-Pierre alerte sur les « dizaines de milliers de ménages menacés d’expulsion à partir du 1 er avril 2020 », par suite d’impayés de loyers du fait de revenus en chute libre. Déjà insupportable pour les foyers modestes, la crise risque de redoubler de violence en ajoutant à la perte du travail celle du logement.

L’état d’urgence est absolu pour ceux qui risquent de tout perdre. Mais pas seulement. Car derrière le danger immédiat se cache une dégradation plus durable de la solvabilité des ménages. En clair, la précarité du logement est en train de s’étendre à bas bruit à des millions de familles supplémentaires. Locataires du public, du privé ou accédants à la propriété : aucune catégorie n’est épargnée, même si beaucoup n’en parlent pas avant d’être allés au bout du surendettement et des privations pour tenter de faire face.

La prolongation de la trêve hivernale jusqu’au 10 juillet permet de maintenir dans les lieux des familles sous le coup d’une procédure d’expulsion. Mais elle ne fait que retarder le problème sans le résoudre. Puisque le gouvernement est déterminé à débattre cette semaine d’une loi « confortant les principes de la République », c’est le moment de le prendre au mot. Le préambule de la Constitution de 1946 prévoit que la nation « garantit à tous (…) la sécurité matérielle ». Le logement en est à l’évidence l’une des principales conditions. Si l’on veut conforter ce « principe républicain », alors il faut revenir sur la réforme des allocations logement dont le calcul basé sur les revenus « en temps réel », destiné à économiser 700 millions d’euros sur le dos des bénéficiaires en 2021, ne fera que hâter la catastrophe. Voilà un débat essentiel à mener, de même que celui sur l’interdiction des expulsions, l’encadrement des loyers ou le soutien au secteur HLM. Plus utile, en tout cas, que celui qui consiste à rouvrir les fractures de la société sur le port du voile, islamique ou non.

 

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