L’acteur et réalisateur, qui vivait ces dernières
années à Dakar, est mort dans la nuit de mardi à mercredi à l’hôpital
d’Aulnay-sous-Bois. Ce militant laissera le souvenir d’un homme engagé dans
toutes les causes qu’il défendit.
Et d’abord, il était beau. Et charmeur.
Cinéaste, communiste, Jean-Daniel Simon faisait des films et militait pour son
parti pour les mêmes raisons : partager ses idées, ce qu’il avait appris.
Passionnément : il resta militant communiste, alors même que ce n’était plus
guère à la mode dans le monde qui était le sien.
L'assistant de Pialat, Vadim...
Né en 1942 à Salon-de-Provence, il était
entré en cinéma à 17 ans, comme assistant, de Pialat à Vadim en passant par Guy
Gilles pour l’Amour à la mer (1965) dans lequel il joua
également un rôle. Car il fut également acteur, dans quelques films et, bien
plus tard, dans le Camp de Thiaroye (1987) d’Ousmane Sembène,
il devait jouer le rôle d’un officier français peu enclin à protéger les
tirailleurs sénégalais mutinés.
Puis, ce fut la télévision, avec sa
participation à quelques-unes des émissions les plus marquantes, Dim
Dam Dom ou Cinq Colonnes à la une, entre autres. Et,
en 1967, premier long métrage de cinéma, la Fille d’en face. Quinze
autres allaient suivre, du sombre et cruel mais assez conventionnel Adélaïde (1968),
d’après une nouvelle de Gobineau, à la triste Filière noire (1987).
Au plus près de la campagne de libération d'Angela Davis
Telle ne fut pas, pourtant, la tonalité
générale de son œuvre. Bien au contraire : après Ils (1970),
comédie proche de la science-fiction, il devait réaliser Il pleut
toujours où c’est mouillé (1974), fiction sur une campagne électorale
dans le Lot-et-Garonne dans laquelle s’affrontent deux candidats à la
députation, l’un communiste, l’autre de droite, et on ne saurait douter pour
lequel des deux aurait pu voter le réalisateur. Ce qui n’enlève rien à la
justesse du ton, à l’amour d’un terroir qui portent cet instantané d’un moment
politique en un lieu très précisément saisi, accent compris. Le film obtint le
prix Paul Vaillant-Couturier. Un épisode de la série télévisée Cinéma
18, « Un été à Vallon » (1975), suivit, de la même veine, et ce fut,
après un séjour aux États-Unis, Angela Davis, l’enchaînement (1976),
qui contribua largement à la campagne en France pour la libération de la
militante. Et sa dernière intervention dans le domaine cinématographique fut sa
participation au film Nous les sans-papiers, en 1997.
De le Société des réalisateurs de films à
la Quinzaine des réalisateurs.
On est passé un peu vite sur la
filmographie. C’est que l’autre grand moment de cette vie pleine fut sa
participation à la création de la Société des réalisateurs de films (SRF), née
de l’effervescence cannoise en mai 1968, suivie par les états généraux du
cinéma à Paris durant l’été, non moins effervescents. L’idée vint qu’il fallait
bousculer assez sauvagement le Festival de Cannes, où les pays représentés
choisissaient eux-mêmes les films dignes d’y être montrés. Ce devait être aux
cinéastes, meilleurs juges, disait-on à la SRF, de les choisir et de les
montrer. Ainsi naquit la Quinzaine des réalisateurs, pour laquelle le premier
nom choisi avait été Cinéma en liberté, bien dans l’air du temps. Mais
c’est sous celui de Quinzaine qu’elle fut tout de suite désignée. Pierre-Henri
Deleau, acteur, en fut nommé délégué général. Élu secrétaire général adjoint de
la SRF, cette même année, Jean Daniel Simon devint son adjoint. Et la fête
commença, fête des cinémas du monde. Ces deux-là, le communiste Simon et le gaulliste
Deleau, avaient le même amour et les mêmes envies de découverte.
Le temps heureux des rencontres et des œuvres en liberté
C’est donc auprès des cinéastes de tous
les pays qu’ils allaient faire leur marché. Et les adresses ne manquaient pas.
« L’affaire Langlois », au début de 1963, avait mobilisé les cinéastes de tous
les pays autour de Paris. Ils furent sollicités par les responsables de la
Quinzaine. L’Amérique du Sud, et d’abord le Brésil, où fleurissait le Cinema
Novo, répondait présent : deux films furent à l’affiche cette
année-là, Barravento, de Glauber Rocha, et Mémoires de la
prison, de Nelson Pereira dos Santos. Et les deux premiers films cubains
parvenus en France y étaient présentés. Cannes faisait tomber le smoking d’autant
plus volontiers que les films de la Quinzaine s’affichaient dans une modeste
salle de quartier. Chaque année, alors, allait apporter son lot de surprises,
de l’Américain Spike Lee au Japonais Oshima.
C’est sur ces temps heureux de rencontres avec le
monde que Jean-Daniel aimait s’attarder. On mesure l’apport de ce cinéaste à la
circulation des œuvres, à son attachement à défendre un cinéma en liberté.
Ses films en attestent. Il pleut toujours où c’est mouillé est un pur
moment de bonheur, un film sur la paysannerie drôle, irrévérencieux. À l’image
de son réalisateur.
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